vendredi 31 octobre 2014

De l'ésotérique érotique au Japon importé du Tibet ?


Comme vu précédemment, Kukai (774 - 835) fut le fondateur de l’école ésotérique (Mikkyo) shingon au Japon. Au 12ème siècle, le moine Ninkan (1057-1123) tenta de développer une branche davantage yogatantrique appelée Tachikawa-ryu en combinant l’Onmyōdō avec des rituels Shingon. L’Onmyōdō est « une cosmologie ésotérique traditionnelle japonaise, qui mélange les sciences naturelles et l'occultisme. Elle est basée sur les philosophies chinoises des cinq éléments (Wu Xing) et du yin et yang, introduites au Japon au tournant du VIe siècle. » Cette école subit beaucoup d’opposition de la part des moines shingon orthodoxes et le moine Yūkai (1345–1416) réussit finalement à débarrasser l’école shingon de la branche Tachikawa-ryu, mais elle resta très populaire jusqu’à 1500…

Dans les rituels, on envisage pour faire court de réaliser rituellement l’union des deux maṇḍala, du Ciel et de la Terre. L’homme représente le maṇḍala du Vajra et la femme celui de la Matrice. Ils s’adressent une requête mutuellement. L’homme demande à entrer dans le maṇḍala de la Matrice et la femme demande à recevoir le maṇḍala du Vajra. Le texte du Sūtra de la félicité mystérieuse donne les détails.

La syllabe A, inhérente à toutes les lettres, symbolise le maṇḍala de la Matrice et la syllabe Hūṃ le maṇḍala du Vajra. La lettre A est considérée comme la mère de toutes les lettres et comme l’essence de la perfection de la sagesse[1]. Le chapitre XVIII-XIX du Mahāvairocana tantra contient d’ailleurs une méditation sur les lettres de l’alphabet qui sont placées sur le corps, imaginé comme le corps du bouddha cosmique. Je compte y revenir dans un autre blog.

Dans cette école eut également cours un rituel de kapala, que l’on pense pouvoir être dérivé d’anuttarayogatantra. L’article Wikipedia affirme, mais sans donner de sources, que la branche Tachikawa-ryu aurait été « injectée » dans le Shingon par le biais du taoisme à partir du Tibet…[2]

L'importance en ce qui me concerne est ici l'époque à laquelle cette branche a fait son apparition au Japon.

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[1] « (55) La Sagesse qu’on appelle ‘la stérile’ est la mère [des] anges et [la] compagne du S[auveur]. » L’évangile selon Philippe, Écrits gnostiques, La Pléiade p. 357

jeudi 30 octobre 2014

Un mariage de mandalas



Le bouddhiste ésotérique Kukai (774 - 835), fondateur de l’école Shingon au Japon, fut un disciple du maître chinois tantrique Keika-ajari (Huiguo, 743-805), lui-même disciple du maître Tanzhen, à son tour un disciple d’Amoghavajra (705-774). Huiguo reçut également les initiations du « mandala de la Matrice » et du « Mandala du vajra » de l'École Tantrique du maître Xuanchao, disciple du maître indien Shubhakarasimha (637-735). Amoghavajra fut le disciple de Vajrabodhi (669-741).
« A trente-et-un ans il se rendit au sud de l'Inde où il apprit auprès du maître déjà très âgé Nāgajñāna [Nāgābodhi ?[1]], disciple du bodhisattva Nāgārjuna, le Sūtra du pic du vajra (Vajraśekharasūtra), les Méthodes de dharanis de Vairocana et d'autres soutra du mahāyāna, ainsi que des œuvres concernant les cinq savoirs (pañcavidyā), il reçut les onctions (abhiṣeka) des cinq branches tantriques. » (wiki)
Les deux textes principaux de l’école Shingon sont logiquement le Kongôtchô-kyô (S. Vajraśekhara Sūtra) et le Daïnitchi-kyô (S. Mahāvairocana sūtra). Le maṇḍala de la Matrice est dérivé de la traduction chinoise Mahāvairocana-sūtra par Subhakarasimha et le maṇḍala du Vajra de la traduction chinoise par Amoghavajra. Il existe des versions tibétaines de ces deux textes. Du Sūtra du pic du vajra[2] (Vajraśekhara Sūtra[3]), il existe une version canonique intitulée gsang ba rnel 'byor chen po'i rgyud rdo rje rtse mo (Vajraśekharamahāguhyayogatantra), ainsi qu’une version dans le canon des Anciens, intitulé rdo rje rtse mo 'dus pa'i rgyud. Il existe plusieurs versions du Mahāvairocana sūtra ou tantra. Malgré leurs noms ces deux textes appartiennent d’ailleurs à la classe des tantras.

L’existence quasi-simultanée de ces textes dans plusieurs pays, nous donne une bonne idée de l’universalité du bouddhisme ésotérique et de son contenu au 7-9ème siècle. Ce contenu semble se centrer sur l’idée d’un maṇḍala universel (mahāmaṇḍala), contenant les deux maṇḍala dits “de la Matrice” (S. garbha(koṣa)dhātu J. taizōkai) et “du Vajra” (S. vajradhātu J. kongōkai). Dans les temples Shingon, le maṇḍala de la Matrice est représenté sur le mur de l’est et celui du Vajra sur le mur de l’ouest. Le maṇḍala de la Matrice symbolise “la matière et les cinq éléments (terre, eau, feu, air, éther), la matrice, le soleil levant, la compassion, le féminin.”[4] Et le maṇḍala du Vajra “la conscience, sixième élément de l'univers, le vajra, le soleil couchant, l'enseignement du dharma, le masculin.”[5] Nous retrouvons notre couple primordial Esprit-Matière, avec le masculin représentant l’Esprit et le féminin la Matière/Matrice(s), c’est-à-dire les éléments.

Le Sūtra (ou tantra) de Mahāvairocana est un dialogue entre celui-ci et Vajrasattva, où cette méthode est enseignée. « En opposition au Mahā Vairocana Sūtra qui expose les principes de l’enseignement, le Vajraśekhara Sūtra consiste essentiellement en instructions concernant la pratique. Le maṇḍala du Vajra (sk : Vajra Dhātu ; ch: Jingangjie 金刚界; ja : Kongo-kaï), apposé au mur ouest des temples, en est une représentation.”

Le maṇḍala de la Matrice représente la jeunesse du bouddha solaire Mahāvairocana et le maṇḍala du Vajra sa parfaite réalisation.[6] Dans les deux maṇḍala on trouve des groupes de huit bodhisattvas entourant un bouddha. On retrouve l'idée du couple de maṇḍala se faisant face sur les murs opposés d'un monastère, que l'on avait déjà vu en Chine où (au monastère de Yuan, Bhaiṣajyaguru (T. sangs rgyas sman bla) fait face à Amitābha ou Tejaprabhā. Et on y retrouve l'opposition jeune soleil, soleil couché, et l'est et l'ouest.

C’est l’union de ces deux maṇḍala, qui constitue le maṇḍala universel (mahāmaṇḍala) de Mahāvairocana, bouddha cosmique. Le symbolique de ce mariage entre Ciel et Terre, le maṇḍala du Vajra et le maṇḍala de la Matrice, le principe masculin et le principe féminin a dû se concrétiser rituellement dans d’autres tantras[7]. La pratique (mahāyoga) de ce tantra-ci consiste à réintégrer les “trois mystères” (Corps, Parole et Esprit) du mahāmaṇḍala de Mahāvairocana.

Le Guhyasamaja tantra fut traduit en chinois entre 930 et 1000. Dans la lignée de transmission que présente Tsongkhapa (15ème s.)[8] figure de nouveau Nāgārjuna, mais cette fois-ci nous voyons apparaître Saraha comme son maître. Pour les tibétains, Chandrakīrti (7ème s.) était un disciple direct de Nāgārjuna (2ème s.) de qui il aurait reçu le Guhyasamaja. Cela serait confirmé par Bhāvyakīrti dans son commentaire de ce tantra, mais pour toute preuve il est cité un louange adressé à Rāhula[bhadra] (considéré comme un autre nom de Sahara), à Nāgārjuna et à Chandrakīrti (600 – env. 650). Cependant Vajrabodhi (669-741), qui avait fait des études à Nālandā, étudié auprès de Nāgajñāna, disciple de Nāgārjuna le siddha, et qui avait étudié les oeuvres de Chandrakīrti pendant quatre ans ne semble avoir connu ni le Guhyasamaja, ni le commentaire composé par Chandrakīrti.

Les deux maṇḍala du Mahāvairocana ont peut-être évolué en les deux phases du Guhyasmaja, la phase de génération et la phase d’achèvement, la première étant nécessaire pour passer à la deuxième. Et c’est au cours de la deuxième que l’union est réalisée, progressivement (krama)…
“[Āryadeva adds] in the Integrated Practices, which extensively elucidates the intention of the Five Stages [Caryāmelāpakapradīpa]: “Alienated individuals such as us, through our beginning- less habitual investment in the variety of outer things, are involved in the habitual investment in conceptual thinking by the cause of the (reificatory) instincts for intrinsic realities in such [things] as existence and non- existence. one and many, duality and nonduality, neither existence nor non-existence, permanence and impermanence. Thus if they learn the samadhi of the perfection stages, must they practice according to the usual stages? Or may they spiritually realize those instantaneously through the personal precept of the mentor?” The Vajra Master replies, “Practice entering by stages, and not suddenly."[9]
Et Tsongkhapa souligne ensuite qu’Āryadeva affirme ainsi qu’il n’y a pas d’autre accès à l’éveil simultané que par la pratique progressive. S’ajoute à cela que l’accès simultané est suspecté d’être une approche chinoise, interdite depuis le concile de Lhasa. Saraha cum suis tombaient à pic en proposant un accès simultané avec une AOC indienne, mais cela restait un accès simultané quand-même, susceptible de décourager les débutants de passer par l’accumulation de mérite. Dromteunpa en avait bien prevenu Atiśa, quand celui-ci voulait enseigner les distiques de Saraha.

Ce que les auteurs des hagiographies “trilogistes” et sans doute les inventeurs du “principe essentiel” (snying po’i don) semblent proposer est une solution qui pourrait réconcilier tout le monde, où l’on marie les accès graduel et simultané, vāmācāra, dakṣiṇācāra…et où l’on raconte comment cela est arrivé et surtout que telle fut l’intention de Vajradhara dès le départ.

***

[1] La lignée (Shingon) des 8 grands patriarches (Fuho-Hasso 付法八祖) 1. Mahavairocana (Dainichi-Nyorai 大日如来) 2. Vajrasattva (Kongō-Satta 金剛薩埵) 3. Nāgārjuna (Ryūju-Bosatsu 龍樹菩薩) - reçut la transmission du Mahavairocana Tantra de Vajrasattva à l'intérieur du stupa de fer dans le sud de l'inde 4. Nāgābodhi (Ryūchi-Bosatsu 龍智菩薩) 5. Vajrabodhi (Kongōchi-Sanzō 金剛智三蔵) 6. Amoghavajra (Fukūkongō-Sanzō 不空金剛三蔵) 7. Huiko (Keika-Ajari 恵果阿闍梨) 8. Kōbō-Daishi (弘法大師) (wiki Shingon)

[2] A ne pas confondre avec le Sūtra de l’escarpement de diamant. « D’autant que le Vajradhātumaṇḍala qui sert de point de départ pour les maṇḍala utilisés dans le Jin’gang jun jing 金剛峻經 (« Sūtra de l'escarpement de diamant ») a été réalisé d’après le célébre grand sūtra / tantra, Jin’gang ding jing 金剛頂經 / Vajraśekhara, « Sūtra de la pointe de diamant » (Titre abrégé pour Jin’gangding yiqie rulai zhenshi she dasheng xianzheng dajiaowang jing 金剛頂一切如來真實攝大乘現證大教王經 / Sarvatathāgatatattva saṃgraha mahāyānābhisamaya mahākalparāja, T. 865) dont le traducteur en chinois n’est autre que Amoghavajra. Le titre Jin’gang jun jing a été volontairement imaginé pour inciter à le confondre avec le Jin’gang ding jing, ou au moins pour montrer qu’il appartient au même groupe du Vajraśekhara. En somme, on peut qualifier le Jin’gang jun jing de tantra apocryphe fabriqué dans la région de Dunhuang. »

[3] Sarvatathāgatatattva saṃgraha mahāyānābhisamaya mahākalparāja, (T. 865) traduit par Amoghavajra

[4] Source wiki

[5] Source wiki

[6] Source

[7] Une image, une idée se développe graduellement, les développements ultérieurs se greffant sur des éléments plus ancien. Le Mahāvairocana Tantra pourrait être vu comme un développement visionnaire du Gaṇḍavyūha (de l'Avataṃsaka Sūtra). Voir Mcmahan.

[8] Tsoṅ-kha-pa Blo-bzaṅ-grags-pa: Brilliant Illumination of the Lamp of the Five Stages (Rim lnga rab tu gsal ba'i sgron me) Robert Thurman

[9] Thurman, p. 95

mercredi 29 octobre 2014

La filière hagiographique de Pharpupa


Marco Passavanti a publié l’article A Thirteenth-Century Work on the Doha Lineage of Saraha dans Contributions to Tibetan Buddhist Literature, IITBS. Dans cet article, sont présentés quelques manuscrits du fonds tibétain Tucci dans la bibliothèque d’ISIAO à Rome. On y trouve des textes se rapportant à la Trilogie de Saraha (Do hā skor gsum)[1] composés par Par phu pa Blo gros seng ge et des auteurs anonymes dans le sillage de Par phu pa, le fondateur du monastère de Par phu. Dans ses écrits celui-ci est présenté comme un disciple de Drushulwa (gru shul ba), disciple de Ngari Djoden (mnga’ ris jo gdan 11-12ème s.), qui aurait reçu la transmission de Réchungpa[2]. Cette transmission fut appelée « transmission Par » (par lugs). Mais il aurait aussi rencontré Phag mo gru pa (1110-1170), dont il aurait adopté l’approche cittamātra dans ses écrits sur les dohā.[3] Karma Trinlépa (karma 'phrin las pa phyogs las rnam rgyal 1456-1539?), grand propagateur de la trilogie, s’inscrit également dans la transmission Par.

Dans le texte présenté par Marco Passavanti on trouve une série d’hagiographies consacrées à ceux considérés comme les maîtres de la transmission de la trilogie, parmi lesquels évidemment Maitrīpa (sous ce nom, pas sous le nom d'Advayavajra), le disciple de ce dernier Vajrapaṇi, le népalais Asu (bal po A su), puis les tibétains Ngari Djoden (mnga’ ris jo gdan 11-12ème s.), Drushulwa (gru shul ba) et finalement Par phu pa. Le colophon du texte est signé par un disciple anonyme de Mkhan lung rin cen gdings pa, à son tour un disciple de Par phu pa. Réchungpa ne figure ni dans la tranmission ni parmi les hagiographies.

A en juger par le contenu du texte, il a plusieurs objectifs qui ont en commun de chercher une voie de milieu à plusieurs niveaux. Une voie de milieu entre le chemin de la méthode (upāyamārga) et le chemin de la connaissance (mahāmudrā), entre approche graduelle et approche simultanée, entre Mañjuśrī et Avalokiteśvara, entre Sagara et Maitrīpa, entre les deux sommets (Cittaviśrāma T. Sems ngal gso et Manobhaṅga T. Yid pham pa) de la Montagne de gloire (śrī parvata) au sud de l’Inde. L’autre objectif est de présenter une voie yoguique, où l’alcool et les femmes jouent un rôle important. Le paysage de la Montagne de Gloire avec ses deux sommets et son « eau qui enivre » entre les deux représente alors le chemin yoguique à suivre.

Passavanti nous présente le schéma suivant :

Cittaviśrāma
Manobhaṅga
Mañjuśrī
Avalokiteśvara
Ratnamati
Mahāsukhanātha Śrī Hayagrīva
Nāgārjuna
Saraha
Lignée d’éveil progressif
Lignée d’éveil simultané
Méthode (upāya)
Sagesse (prajñā)
Chemin de la Méthode (upāyamārga) :les phases de création et d’achèvement
Sceau universel (mahāmudrā)
Transmission de textes Yoganiruttaratantra tels le Pañcakrama et le Caturmudrā[niścaya]
Transmission de dohā et de vajragīti

Autre détail. Dans les hagiographies, la conversion véritable de Saraha, Maitrīpa et Ngaripa passe par l’ingestion d’alcool, plus précisément quatre sortes d’alcool (céréales, herbe, raisins, miel : ’bras chang | gur chang | rgun chang | sbrang chang) et le commerce avec des femmes/ḍākinī. Les protagonistes de ce texte suivent le comportement des trois hommes de Kham, se rebellant contre la discipline imposée par le maître de disciple de Gampopa et se disant dans l’obligation de faire ainsi parce qu’ils appartenaient à la lignée de Naropa. Quand, dans la présente filière hagiographique, le brahmane Maitrīpa rencontre Naropa, celui-ci lui coupe le fil de brahmane et lui donne de l’alcool à boire avant de l’initier. Dans les hagiographies de Marpa et de Milarepa composés par Tsang nyeun heruka, appartenant également à la lignée des yogis, ceux-ci devaient boire de l’alcool pendant leur première rencontre. Quand Gampopa rencontre Milarepa, il lui fit également boire de l’alcool malgré ses vœux de moine. L’ingestion d’alcool est un signe emblématique de la transmission authentique chez les Trilogistes et les Réchungpistes. Elle symbolise la compréhension de la saveur unique de toute expérience, cette saveur étant celle du Naturel inné, de la mahāmudrā.[4]

Tout comme le terme « non-engagement mental » (S. amanasikāra T. yid la mi byed pa) est emblématique de l’approche originelle de Maitrīpa, le terme « principe essentiel » (T. snying po’i don), que l’on trouve par ailleurs dans le commentaire du Dohākoṣagīti de Maitrīpa, est emblématique des lignées trilogiques plus tardives. Il y a des occurrences de ce terme sur 14 pages de ce texte. C’est à partir des lignées trilogiques qu’il devient réellement connu.

Il semblerait que les historiens ‘Gos Lotsāva (gzhon nu dpal, 1392-1481), Padma Karpo (1527-1592) et Tāranātha (1575–1634) aient puisé leurs informations dans des sources trilogiques de ce type. La controverse entre « trilogistes » et « anti-trilogistes » s’est rapidement éteint au profit des « trilogistes ». Il est assumé généralement que les trois dohākoṣa sont l’œuvre de Saraha.

Il ne serait pas prudent d’accorder une vérité historique à la lignée de transmission indienne et aux hagiographies qui s’y rapportent. Dans la lignée de cette filière hagiographique, Saraha est présentée comme le premier maître humain et Nāgārjuna comme son disciple. Celui-ci avait à son tour quatre disciples Śavaripā, Nāgabodhi, Āryadeva et Kāṇhapāda. Maitrīpa/Advayavajra (1007—1085 ?) aurait rencontré Śavaripā, mais il n’est pas certain dans quelle mesure cette rencontre soit visionnaire. Vajrapaṇi (rgya gar phyag na) fut son disciple. A partir de lui, la lignée passe au Népal et et au Tibet et a plus de chances d’être historiquement véridique.

Comme observé ci-dessus, le texte propose une lecture réconciliatrice des diverses approches qui se rattachent au Dohākoṣagīti et à son auteur présumé Saraha. On y trouve également de nombreux éléments de type gnostique, comme dans les généalogies de l’école des Anciens. Le texte remonte à l’origine, au Bouddha qui enseigne sous son aspect de Bienheureux (Bhagavan) Vajradhara, le centre du plérôme avec l’ogdoade des huit grands bodhisattvas[5], les six bodhisattvas proches[6] etc. Le Bienheureux commissionne deux grands bodhisattvas, Mañjuśrī et Avalokiteśvara d’enseigner deux méthodes correspondant aux dispositions de deux types d’élus, une méthode progressive et une méthode simultanée. Dans l’exécution de cette mission, Mañjuśrī s’émane en le bodhisattva proche Ratnamati au sommet de Cittaviśrāma et Avalokiteśvara s’émane en « Mahāsukhanātha Śrī Hayagrīva » (T. bde chen mgon po dpal rta mgrin) au sommet de Manobhaṅga. Ce sont les deux sommets de la Montagne de Gloire. Ces deux émanations sont les instructeurs des premiers maîtres humains de leurs transmissions respectives, à savoir Nāgārjuna (chemin progressif) et le grand brahmane Saraha (chemin simultané).

Dans ce texte et dans les lignées de transmission de la mahāmudrā Saraha est présenté comme le maître de Nāgārjuna. Ce qui est frappant dans l’hagiographie de Nāgārjuna racontée dans ce texte, est qu’elle reprenne des éléments de celle d’Advayavajra du "manuscrit de Sham Sher", decouvert au Népal en 1928 par Sylvain Lévi et Giuseppe Tucci. Quand Nāgārjuna était le disciple du bodhisattva Ratnamati son nom fut « Advayavajra ». Ratnamati (l’émanation de Mañjuśrī rappelons-le) lui transmit les instructions des cinq phases (Pañcakrama) et des quatre mudrā. Ensuite il recevra de Saraha les instructions de l’approche simultanée. La transmission qui regroupe les deux approches passera ensuite par Śavaripa pendant une session visionnaire et mystique, où les trois maîtres Nāgārjuna , Saraha et Ratnamati fusionnent en une seule Pensée[7], que Nāgārjuna invite Śavaripa d’enseigner à la Montagne de Gloire. C’est ici que Maitrīpa l’aurait vu. Après avoir reçu la transmission à son tour, Śavaripa demanda à Maitrīpa d’enseigner le principe (artha) à Mādhyadeśa, selon Tāranātha[8].

Ce texte, qui est écrit dans un style assez simple et familier, donne l’impression d’un immense « bricolage » dans le sens de Levi-Strauss. Il cherche à expliquer des différences et à faire une version où elles auront chacune leur sens et semble contribuer à l’ensemble unifié. La Pensée lucide et directe de Maitrīpa, telle qu’elle est exposée dans le Dohākoṣagīti de Saraha et son commentaire par Advayavajra est ici encombrée d’éléments théogoniques, généalogiques et ésotériques (bref « gnostiques ») qui la dénaturent. L’époque où fut écrit ce texte était celle du retour en gloire des divers plérômes et les pratiques visionnaires associées comme dans l’école des Anciens. Quel en étaient les raisons ? Une question déjà abordée sur ce blog et à creuser davantage.

***

[1] L’hagiographie de lama Ngaripa que l’on trouve dans ce texte, explique que celui-ci avait regroupé les trois dohākoṣa en une trilogie, dont il récitait les vers trois fois chacun. bl ma mnga’ ris pas dho ha gsum po [r]tse [g]sum gcig tu mdzad byas nas nyin re l tshar gsum gsum ’don

[2] Schaeffer précise qu’il semblerait que la transmission népalaise n’était pas continuée, mais avait convergée avec la transmission Réchung. Dreaming the Great Brahmin, p. 71. Le présent texte présente Ngaripa comme un disciple d’Asu le népalais.

[3] Ecstatic Spontaneity, Herbert von Guenther, p.14

[4] myug ma lhan gcig skyes pa phyag rgya chen po lhan gcig skyes pa’i kyi ngo bor ro gcig pa yin ba’i brdar go

[5] Maitreya, Mañjuśrī, Avalokiteśvara, Vajrapaṇi, Kshitigarbha, Akashagarbha, Sarvanivaranavishkambhin et Samantabhadra, soit byaṃs pa dang | ’jam dpal dang | spyan ras gzigs dang | phyag na rdo <rj>e dang | [2a5] sa’i snying po dang | nam mkha’i snying po dang | sgrib ba rnaṃ par sel pa dang | kun tu bzang po

[6] nye ba’i sras byang se zla ’od dang | nyi ma’i ’od dang | dri ma myed pa’i ’od dang | dri ma MED par grags pa dang rad na ma ti dang | chos ’phags dang | nam mkha’ ’gro ba lasogs pa dang

[7] dus der bslob dpon klu grub dang braṃ ze chen po dang | byang se gsum thugs dgongs gcig du gyurd pa de dpal <sa bha ri pa>77 la gdams nas lung stan. Cette idée est peut-être à l’origine du dGongs gcig de Jigten Goeunpo (1142–1217), le fondateur du Drikoung Kagyu et disciple principal de Phagmodroupa (1110–1170). http://dgongs1.com/2012/05/04/the-dgongs-gcigs-originator-and-its-author/

[8] Bka’ babs bdun ldan, The Seven Instruction Lineages, David Templeman, p. 12

lundi 27 octobre 2014

Eléments gnostiques ?


L'assomption de la Vierge de Francesco Botticini (National Gallery, Londres)
Les monuments, les représentations (icône, statues…) et objets peuvent être investis de divin. Dans les pratiques de divination telles qu’elles furent pratiquées en Chine par un Amoghavajra (Pou-k’ong 705-774) originaire de Samarkand ou un Vajrabodhi (Ch.金剛智) (671–741) de l’Inde du sud, des enfants peuvent être investis de divin et servir de messager, de médium. Dans une certaine mesure, les enfants reconnus comme les « réincarnations » de maîtres décédés sont aussi investis de divin, tout comme les initiés au cours d’une initiation.

Les rituels de consécration (ou d'investiture) d’images ou de stūpa s’appellent pratiṣṭhā en sanskrit, et rab gnas en tibétain. Elles sont toujours pratiquées de nos jours. La partie principale de ces rituels consiste en quatre phases ("jaḥ hūṃ baṃ hoḥ") pour attirer (dgug pa), faire entrer (gzhug pa), lier (bcing ba) et faire fondre (bstim pa) le dieu (lha). Le livre de Yael Bentor Consecration of Images and Stūpas in Indo-Tibetan Tantric Buddhism donne tous les détails de ce rituel, basé sur un texte contemporain de Khri-byang Rin-po-che (1901-1981), intitulé “Le rituel de consécration, un océan d’ondées de vertu et d’excellence” (T. rab gnas cho ga, dge legs rgya mtsho’i char 'babs).

Le rituel va établir le lien (samaya) entre un objet/une personne à consacrer/investir (samayasattva) ici-bas (dans l’Hebdomade sous les sept sphères planétaires) et le dieu/être de gnose (jñānasattva) résidant dans le palais du dharmadhātu à Akaniṣṭha (T. ‘og min), qui pourrait correspondre à la huitième sphère (l’Ogdoade). Pendant la phase de génération (ou régénération (terme gnostique)?), le dieu est invité à descendre d’Akaniṣṭha (ou d’un autre monde céleste), et à résider dans l’espace devant les officiants pendant le temps du rituel. Akaniṣṭha, don’t le nom tibétain signifie “ce qui n’est pas en bas”, est le lieu le plus élevé de l’univers des formes (rūpyadhātu). L’être de gnose (jñānasattva) adopte la même forme que l’objet à consacrer. Le texte considère le mot dieu (S. deva T. lha) comme un synonyme d’être de gnose.

Les divers livres d’incantations et de consécrations traduits en chinois, comme l’Amoghapāśa-sūtra (T. 1097), à la fin de VIIe siècle ou au début du VIIIe siècle, expliquent entre autres comment consacrer des enfants et les utiliser comme des messagers. Dans le Livre du yogin de tous les yoga du pavillons au faîte de diamant (T. 867), traduit en chinois par Vajrabodhi , la procédure à suivre est expliquée.
« Si d’une incantation (dhāraṇī) tu charges de puissance filles et garçons,
Tu peux provoquer l’āveśa [la ‘possession’],
Des choses des trois mondes et des trois âges,
Tu peux apprendre le bon ou le mauvais présage. »
Et :
« Prends des garçons et des filles vierges,
Baigne-les, habille-les de frais,
Fais leur prêter le vœu de bodhisattva,
Et installe-les sur un lit de fleurs blanches,
Récite des incantations sur eux, couvre leur visage,
Et récite encore, mille huit fois,
Alors ils connaîtront directement l’āveśa,
Parfois leur corps sera suspendu dans les airs,
De toutes les choses passées, présentes et à venir,
Ils auront une totale connaissance. »
Strickmann donne encore un autre exemple tiré du texte Rites secrets des incantations de l’émissaire divin, l’Inébranlable [Acala] (T. 1202). Dans la méthode décrite, il est fait usage d’un miroir placé sur le cœur (de l’icône dévine Strickmann). Tout en continuant de réciter l’incantation d’Acala, les enfants médium sont priés de regarder dans le miroir et de décrire ce qu’ils voient. Pourquoi un miroir ? Une réponse gnostique pourrait consister à dire que les sphères humides de l’Hebdomade servent comme un miroir à l’Ogdoade (la huitième sphère). Pour envoyer des émissaires divins, « L’Intellect enfante d’abord un Homme androgyne semblable à lui, demeurant dans le monde supérieur. En se reflétant dans la Nature humide du monde inférieur, ce premier Homme engendre une forme qui lui ressemble. » Pourquoi utiliser des enfants vierges comme médium ? L’écrit gnostique L’Ogdoade et l’Ennéade peut sans doute nous pointer vers la réponse.
« Contemple l’âme d’un enfant, mon fils, quand elle n’est pas encore séparée d’avec son vrai soi et que son corps […] n’a pas encore atteint son plein développement, comme elle est belle à voir de tous côtés, à cette heure où elle n’a pas encore été souillée par les passions du corps demeure presque suspendue encore à l’Âme du monde ! »[1]
Est-ce un pur hasard que gnosticisme et bouddhisme ésotérique, qui fait appel au divin, semblent parler le même langage, décrire des univers très semblables et partager des pratiques similaires ?

Un autre exemple, dans un texte que j’ai sous les yeux par hasard. Marco Passavanti a publié l’article A Thirteenth-Century Work on the Doha Lineage of Saraha dans Contributions to Tibetan Buddhist Literature, IITBS. Dans cet article, sont présentés quelques manuscrits du fonds tibétain Tucci dans la bibliothèque d’ISIAO à Rome. On y trouve des textes se rapportant à la Trilogie de Saraha (Do hā skor gsum)[2] composés par Par-phu-pa Blo-gros seng-ge et des auteurs anonymes dans le sillage de Par-phu-pa, le fondateur du monastère de Par-phu.

Le texte parle de l’origine de la transmission qu’elle contient. Vers la fin de sa vie, Bouddha Sakyamuni se serait rendu au sud de l’Inde, plus précisément à Karahata (Uttar Pradesh ?), entouré des huit grands bodhisattvas et de ses disciples proches. Ceux-ci lui dirent qu’il avait enseigné les trois véhicules, le sens définitif et le sens à interpréter, mais qu’il n’existait pas encore d’instructions sur le principe essentiel (T. snying po’i don), permettant aux êtres de s’éveiller simultanément. Le Bienheureux fit alors convoquer tous les grands bodhisattvas de toutes les directions et déclara qu’après son nirvāṇa, il y aura une tradition graduelle et une tradition simultanée. Il passera au nirvāṇa spécifiquement pour les êtres prônes à l’éternalisme, et séjournera par la suite à Akaniṣṭha dans son corps de gloire, plus précisément en tant que le dharmadhātu maṇḍala, entouré de ses huit grands bodhisattvas etc.[3]

De là, il continuera à veiller au bien des êtres. Quand les deux grands bodhisattvas Mañjuśrī et Avalokiteśvara verront que le moment est mûr pour les instructions graduelles et simultanées, ils iront à la Montagne de Gloire (Śrī Parvata), respectivement sur les deux sommets de cette montagne, à savoir Cittaviśrāma et Manobhaṅga. Comment ? Sans doute par un jeu de miroir, où la « Nature humide du monde inférieur »[4] sert de miroir et réfléchie les dieux d’Akaniṣṭha, « en engendrant une forme qui leur ressemble », une émanation.

Mañjuśrī s’émanera en le bodhisattva proche Ratnamati au sommet de Cittaviśrāma et Avalokiteśvara en « Mahāsukhanātha Śrī Hayagrīva »[5] (T. bde chen mgon po dpal rta mgrin) au sommet de Manobhaṅga. Ce sont les deux sommets de la Montagne de Gloire. Ces deux émanations seront les instructeurs des premiers maîtres humains de leurs transmissions respectives, à savoir Nāgārjuna (chemin progressif) et le grand brahmane Saraha (chemin simultané).

Dans ce texte et dans les lignées de transmission de la mahāmudrā, Saraha est présenté comme le maître de Nāgārjuna. Ce qui est frappant dans l’hagiographie de Nāgārjuna racontée dans ce texte, est qu’elle reprend des éléments de celle d’Advayavajra du "manuscrit de Sham Sher", decouvert au Népal en 1928 par Sylvain Lévi et Giuseppe Tucci. Quand Nāgārjuna était le disciple du bodhisattva Ratnamati son nom fut « Advayavajra ». Ratnamati (l’émanation de Mañjuśrī rappelons-le) lui transmit les instructions des cinq phases (Pañcakrama) et des quatre mudrā. Ensuite il recevra de Saraha les instructions de l’approche simultanée. La transmission qui regroupe les deux approches passera ensuite par Śavaripa, présenté dans ce texte à la fois comme disciple de Saraha et de Nāgārjuna, pendant une session visionnaire et mystique, où les trois maîtres Nāgārjuna , Saraha et Ratnamati fusionnent en une seule Pensée[6], que Nāgārjuna invite Śavaripa à enseigner sur la Montagne de Gloire. C’est ici que Maitrīpa l’aurait vu et reçu la transmission du principe essentiel (T. snying po’i don) ainsi que la trilogie de Saraha

Mais tout dans cette histoire est un jeu de miroirs et de reflets, car la Montagne de Gloire n’est pas une montagne réelle, « on ne la trouverait pas, même si on la cherchait ».
« Si tu cherches par ici la Montagne de Gloire, tu ne la trouveras pas. « Gloire » cela veut dire la gnose non-duelle et « montagne » désigne le principe du fond immuable des choses (dharmadhātu). Ou encore, « Montagne de Gloire » signifie le renoncement universel, c’est-à-dire le renoncement à toute vue, méditation, observance et fruit. Si tu cherches par ici les deux montagnes Cittaviśrāma (T. Sems ngal gso) et Manobhaṅga (T. Yid pham pa), tu ne les trouveras pas. Le repos de l’esprit (cittaviśrāma) c’est le repos de l’esprit dans toutes les branches des méthodes comme celles de la phase de création jusqu’à ce que les représentations se dissipent dans l’élément des choses (dharmadhātu). Quand toutes les représentations duelles se sont dissipées dans l’élément des choses, l’intellect est purifié par son essence même et retranche toutes les fluctuations mentales par la défaite du mental (manobhaṅga) dans toutes les branches de la sagesse (prajñā). »[7]
« Entre ces deux montagnes il y a une chute d'eau avec [un cours] d'eau qui enivre (T. smyo chu) et un qui empoisonne (T. dug chu)[2]. Dans ces trois montagnes, il y a sept haltes/gués/îles (T. gling S. dvīpa). »[8] Sept gués, ou sept sphères célestes (Hebdomade) à traverser ?

Au bout de cette quête, racontée par Péma Karpo (kun mkhyen Pad ma dkar po 1527-1592), dans son Histoire du bouddhisme (T. 'brug pa'i chos 'byung), Advayavajra perd tout espoir et finit par rencontrer Śavaripa.

« [Advayavajra] : Je suis passé par d'innombrables épreuves, mais jusqu'à maintenant, je n'ai jamais réussi à vous rencontrer. Seigneur, je vous demande ne serait-ce que la plus petite faveur.
[Śavaripa ] : Si tu me vois, tu seras libéré, mais si tu ne me vois pas, tu seras libéré [pareillement].
Si tu me vois, tu seras asservi, mais si tu ne me vois pas, tu seras asservi [pareillement].
Alors que viens-tu chercher sur la montagne Cittaviśrama (Repos de l'esprit) ? C'est lorsque la conceptualisation des remémorations s'évanouit dans l'Elément (S. dhātu), que tu trouves le repos. Je ne suis que cela.

Advayavajra comprend et présente ce qu'il vient de comprendre :

« Tous les faits sont vides [d'être propre]
La vacuité et la compassion sont deux
Leur union indifférenciée est le Guide
Si on analyse [les faits] du point de vue de l'état naturel (T. rnal ma'i don la)
On est libre quoi que l'on fasse
[L'état naturel] est au-delà de l'observation, de l'artifice et de la moindre remémoration.
Voilà ma compréhension.
Je n'ai plus besoin de ne le demander à personne. »


***

MàJ 26012015 En Thaïlande, des poupées d'enfants (luk thep) utilisées comme "véhicule".

[1] Ecrits gnostiques, La Pléiade, L’Ogodade et l’Ennéade, p. 944-945

[2] L’hagiographie de lama Ngaripa que l’on trouve dans ce texte, explique que celui-ci avait regroupé les trois dohākoṣa en une trilogie, dont il récitait les vers trois fois chacun. bl ma mnga’ ris pas dho ha gsum po [r]tse [g]sum gcig tu mdzad byas nas nyin re l tshar gsum gsum ’don

[3] Maitreya, Mañjuśrī, Avalokiteśvara, Vajrapaṇi, Kshitigarbha, Akashagarbha, Sarvanivaranavishkambhin et Samantabhadra, soit byaṃs pa dang | ’jam dpal dang | spyan ras gzigs dang | phyag na rdo <rj>e dang | [2a5] sa’i snying po dang | nam mkha’i snying po dang | sgrib ba rnaṃ par sel pa dang | kun tu bzang po

[4] « L’Intellect enfante d’abord un Homme androgyne semblable à lui, demeurant dans le monde supérieur. En se reflétant dans la Nature humide du monde inférieur, ce premier Homme engendre une forme qui lui ressemble. Il donne ainsi naissance à un Homme double, androgyne, ‘mortel par le corps, immortel par l’Homme essentiel’. Ce dernier engendre Sept Hommes androgynes dans la matière de la Nature. » Ecrits gnostiques, La Pléiade, L’Ogodade et l’Ennéade, p. 941

[5] « Sri Mahāsukhanātha composed the Guhyasiddhi, which ascertains the meaning of the Guhyasamaja. On the actual text of the Guhyasamaja, the Guhyasiddhi principally ascertains the meaning of the preface. For the stages of the path of the Guhyasamaja, first it describes the generation stage involving the placement of the syllables. Second, it teaches how the reality of your actual nature is revealed through reliance upon a karma consort. Third, it teaches the meditation to stabilize that understanding by relying upon a wisdom consort. And fourth, it explains the meditation on perfecting the mahamudra consort, together with a section on tantric activities. » A Lamp to Illuminate the Five Stages: Teachings on Guhyasamaja Tantra par Je Tsongkhapa. Le plus souvent on voit le Guhyasiddhi attribué à Padmavajra. Selon Robert Thurman, (Mahās)Sukhanātha EST Padmavajra (page 43).

[6] dus der bslob dpon klu grub dang braṃ ze chen po dang | byang se gsum thugs dgongs gcig du gyurd pa de dpal <sa bha ri pa>77 la gdams nas lung stan. Cette idée est peut-être à l’origine du dGongs gcig de Jigten Goeunpo (1142–1217), le fondateur du Drikoung Kagyu et disciple principal de Phagmodroupa (1110–1170). http://dgongs1.com/2012/05/04/the-dgongs-gcigs-originator-and-its-author/

[7] dpal gyi ri na tshur la btsal bas myi bsnyed | dpal bya ba ni gnyis su MED pa’i ye <sh>es la zer ba yin | [10a6] ri bya ba ni chos nyid ’gyur ba MED pa’i don la zer ba yin | yang dpal gyi ri bya ba ni spangs pa chen po’i don la zer ba yin te | lta bhem spyod pa ’bras bu bzhi spangs pa’i don yin gsung | sems ngal so bar [10a7] byed pa’i ri dang | yid pham bar gyurd pa’i ri na tshur la btsal bas myi rnyed | sems ngal so bar byed pa ni mam par rtog pa chos kyi dbyings su <ma yal gyi bar du ma yal gyi bar du> bskyed pa’i rim pa la SOGS pa [10a8] tham<s ca>d thabs kyi cha tham<s ca>d la sems ngal so bar byed pa’i ri zer ba yin | gnyis ’dzin gyi rnam par rtog pa tham <s ca>d chos kyi dbyings su yal te | blo ngo bo nyid kyis dag nas yid kyi ’gyu’ ba chad pa shes rab kyi [10a9] cha tham<s ca>d la | yid pham bar gyurd pa’i ri zer ba yin gsung ngo |

[8] Pad ma dkar po 1527-1592), le quatrième chef de la lignée Droukpa Kagyu, dans son histoire du bouddhisme ('brug pa'i chos 'byung)

samedi 18 octobre 2014

Science des origines, dégénération et régénération


L'Ogdoade (Akanistha, 'og min etc. ?)
Les éléments cosmogoniques, théogoniques et généalogiques des voies hermétiques sont peut-être les mieux connus à travers les écrits gnostiques, mais dépassent évidemment le cadre des écrits gnostiques historiques (Egypte, Babylone, Asie centrale, Inde…). Par facilité et à cause du rôle central d’une gnose salvatrice, quelque soit sa définition, j’utiliserai le terme « gnostique » pour faire allusion à ce fonds commun.

La cosmogonie gnostique raconte la création du monde à partir d’un couple primordial « Esprit-Matière », où la Matière est représentée par un Océan primordial (Noun) avec ses flots glacés, d’où jailliront ultérieurement les huit génies de l’Ogdoade (huitième sphère)[1]. Quatre couples de génies aquatiques, dont les entités masculines ont des têtes de grenouille et les entités féminines des têtes de serpents.

Au centre de l’Océan primordial se dresse la colline primordiale, sur lequel vient au monde le démiurge Rê-Atoum, qui est à l’origine de la multiplicité, à commencer par la naissance de huit dieux, avec lesquels il formera l’Ennéade (neuvième sphère).
« …ayant pris sa semence dans sa bouche, il cracha ou éternua, créant (2) Shou, le dieu de l'air, et (3) Tefnout, la déesse de l'humidité. Ils explorèrent le sombre Noun et furent perdus pour Rê-Atoum qui envoya à leur recherche son œil divin, une puissance brûlante considérée comme la fille du dieu Soleil. La déesse revint avec Shou et Tefnout et les premiers êtres humains furent formés par les larmes que Rê-Atoum versa en retrouvant ses enfants. » (Wiki)
On peut dire en spéculant que la traversée à l’aveugle de l’Océan primordial Noun par le couple Shou (air) et Tefnout (humidité), créé avec la semence du démiurge, ait pu servir à féconder l’Océan primordial Noun, et que c’est suite à cette fécondation que les huit génies aquatiques en ont jailli. On peut encore spéculer que cette traversée les ait peut-être imprégnée de l’eau primordiale. Quoi qu'il en soit, en revenant sur la colline primordiale, des larmes jaillissent de leur père Rê-Atoum, donnant naissance par la même occasion au genre humain.
« De l'union de Shou et Tefnout naquirent (4) Geb, le dieu de la Terre, et (5) Nout, la déesse du Ciel. » (Wiki)
« Ces derniers étaient si étroitement enlacés que rien ne pouvait circuler entre eux. Nout fut fécondée par Geb mais ses enfants ne parvenaient pas à naître. Leur père Shou, le dieu de l'Air, finit par séparer Geb et Nout. Aidé par huit êtres appelés les dieux Heh [Ogdoade], Shou souleva la déesse du Ciel au-dessus de la terre, créant ainsi un espace où les créatures pouvaient vivre et respirer. »
« Nout enfanta deux paires de jumeaux, (6) Osiris et (7) Isis, et (8) Seth et (9) Nephtys. » (wiki)
Les enfants (6, 7, 8 et 9) de Nout et Geb (Terre et Ciel) étaient destinés à gouverner la terre (Egypte...).

Astrologiquement parlant, l’Ennéade correspond à la neuvième sphère et l’Ogdoade à la huitième. Au-dessous se trouvent les sept sphères planétaires de l’Hebdomade, qui sont chacune régie par un « Gouverneur », un « chef d’essence »[2], un ousiarque,[3] amschaspand (esprit pur) en perse, archange dans le judaïsme et autres monothéismes.[4] Les créatures qui se trouvent au-dessous d’une sphère subissent leurs influences. « élever jusqu’à l’Ogdoade [la huitième sphère], cela signifie d’abord se libérer de l’influence des sept sphères planétaires de l’Hebdomade, pour accéder au monde supérieur où réside le divin. »[5]

L’Engendré se situe au niveau de la huitième sphère (Ogdoade) au dessus des sept ouisarques/sphères planétaires (Hebdomade). Au-dessus, au niveau de la neuvième sphère (Ennéade), siège l’Autoengendré (celui qui s’engendre lui-même), tandis que l’Inengendre siège à un niveau encore supérieur. Ces trois niveaux supérieurs l’Inengendré, l’Autoengendré et l’Engendré correspondent respectivement à la triade divine du gnosticisme historique, à savoir : Souveraineté absolue, Intellect et Verbe saint, « puisqu’il est ‘Fils de Dieu, issu de l’Intellect’ »
« L’Intellect enfante d’abord un Homme androgyne semblable à lui, demeurant dans le monde supérieur. En se reflétant dans la Nature humide du monde inférieur, ce premier Homme engendre une forme qui lui ressemble. Il donne ainsi naissance à un Homme double, androgyne, ‘mortel par le corps, immortel par l’Homme essentiel’. Ce dernier engendre Sept Hommes androgynes dans la matière de la Nature. Puis les sexes sont séparés, le temps se met en branle avec les sept sphères célestes, et c’est le début des générations humaines semblables aux nôtres. » [6]
En allant dans ce sens, vers le bas ou sous l’influence des sept sphères planétaires, on parle de « dégénération ». La « libération » gnostique consiste à se libérer de l’influence des sphères en remontant. Ce processus s’appelle la régénération. Et pour « entrer dans la voie de l’immortalité »,[7] on peut recourir à une initiation dans lequel un homme tient le rôle du divin régénérateur. Le rituel initiatique permet à l’initié de reconnaître dans l’initiateur la personne même de Trismégiste, dans le cas de la voie hermétique. L’initiation permet ainsi de reconnaître ce que l’on est réellement, sa part essentielle. Cette reconnaissance, cette « vision de soi », n’est pas forcément « immédiate et intuitive », et peut être le résultat de « tout un cheminement intellectuel ». Mais si elle est donnée tout d’un coup, « c’est une certitude fulgurante qui provoque la joie, l’étonnement, l’enthousiasme, l’extase et la crainte. »[8]

Quand l’Intellect enfante un Homme semblable à lui cela se passe au niveau de l’Ogdoade. C’est en se reflétant « dans la Nature humide du monde inférieur » qu’il engendre une forme qui lui ressemble dans l’Hebdomade. En considérant cette forme corruptible comme lui-même, il dégénère. En revanche, s’il considère sa part essentielle, il se régénère. Mais on ne se reconnaît pas dans l’Intellect (Ogdoade), comme on s’aperçoit dans un miroir, par une image réfléchie. L'homme peut se transformer ainsi dans l’Essence et 
« abolir la différence entre ‘l’homme matériel’, composé de quatre éléments, et ‘l’homme essentiel’ à l’image du Dieu Intellect ; on revient au moment où l’homme n’était pas encore incarné ni affecté par les sensations ou par les passions des sept planètes, mais demeurait encore dans l’Ogdoade. A ce moment-là, on se sent une faculté euphorique d’ubiquité, on s’élève au-dessus du temps, on devient éon comme Dieu. La vision de soi-même se change ainsi en vision du Tout. »[9]
Pour ne pas me rendre coupable de syncrétisme, je vous laisse faire vous-même tout rapprochement éventuel avec d’autres traditions …


***

[1] (1) Heh et (2) Hehet, l'infinité spatiale, (3) Kekou et (4) Kekout, les ténèbres profondes, (5) Noun et (6) Nounet, le couple de l'eau initiale et (7) Amon et (8) Amonet, ce qui est caché. (wiki)

[2] « b. Énumération des «chefs d'essence» et des «essences» sur lesquelles ils régnent Jupiter est l'ousiarque du ciel, qui produit le principe matériel de la vie. La lumière (spirituelle) est l'ousiarque du soleil, qui produit le principe matériel de l'illumination (bonum luminis). — Ces deux principes n'en font qu'un, car <pd>ç et Çiuf| sont l'envers d'une seule et mcme réalité dans tous les textes hermétiques, cf. supra, p. 418 — 19 (318.22-319.1). Pantomorphe est l'ousiarque des 36 astres fixes, appelés Horoscopes, qui sont cause que chaque individu d'une même espèce reçoit une forme différente à sa naissance. 19 (319.1-5). — Heimarménè est l'ousiarque des sept planètes toujours en mouvement qui sont cause de tous les accidents survenant après la naissance. 19 (319.5-9). Le nom de l'ousiarque de l'air est perdu et son rôle matériel nous échappe partiellement à cause du mauvais état du texte. Il est à la jonction des corps mortels et des principes immortels, 19 (319.9-12). » Colloque international sur les textes de Nag Hammadi: Québec, 22-25 août 1978 edited by Bernard Barc

[3] « Les dieux ousiarques sont des principes intelligibles qui commandent aux essences à la fois sensibles et intelligibles : grâce au gouvernement de ces principes, s'établit une continuité, d'un bout à l'autre de l'univers, entre l'intelligible et le sensible. 19 (318.17-21). » Colloque international sur les textes de Nag Hammadi: Québec, 22-25 août 1978 edited by Bernard Barc

[4] « Les Perses ont aussi leur ange Chur, qui dirige la course du Soleil ; et les Grecs avaient leur Apollon, qui avait son siège dans cet astre. Les livres théologiques des Perses parlent des sept grandes intelligences sous le nom d’Amschaspands, qui forment le cortège du dieu de la Lumière, et qui ne sont que les génies des sept planètes. Les Juifs en ont fait leurs sept archanges, toujours présents devant le Seigneur. Ce sont les sept grandes puissances qu’Avenar nous dit avoir été préposées par Dieu au gouvernement du Monde, ou les sept anges chargés de conduire les sept planètes ; elles répondent aux sept ousiarques, qui, suivant la doctrine de Trismégiste, président aux sept sphères. Les Arabes, les Mahométans, les Cophtes, les ont conservées. Ainsi, chez les Perses, chaque planète est surveillée par un génie placé dans une étoile fixe : l’astre Taschter est chargé de la planète Tir ou de Mercure, qui est devenu l’ange Tiriel, que les cabalistes appellent l’intelligence de Mercure ; Hafrorang est l’astre chargé de la planète Behram ou de Mars, etc. Les noms de ces astres sont aujourd’hui les noms d’autant d’anges chez les Perses modernes. » Dupuis - Abrégé de l’origine de tous les cultes, 1847 p. 60

[5] Ecrits gnostiques, La Pléiade, L’Ogodade et l’Ennéade, p. 940

[6] Ecrits gnostiques, La Pléiade, L’Ogodade et l’Ennéade, p. 941

[7] Ecrits gnostiques, La Pléiade, L’Ogodade et l’Ennéade, p. 943

[8] Ecrits gnostiques, La Pléiade, L’Ogodade et l’Ennéade, p. 943

[9] Ecrits gnostiques, La Pléiade, L’Ogodade et l’Ennéade, p. 944

dimanche 12 octobre 2014

Controverse sur la trilogie de Saraha


Saraha entouré de mahasiddhas (British Museum)
Blog en grande partie basé sur Dreaming the Great Brahmin de Kurtis R. Schaeffer

Karma Trinlépa (karma 'phrin las pa phyogs las rnam rgyal 1456-1539?) fut à la fois un sakyapa[1] et un kagyupa. Il reçut par ailleurs des transmissions de la lignée Shangpa Kagyu[2] et fut un disciple du septième Karmapa Tcheudrak Gyatso (1454–1506). Il fut à son tour un des maîtres du huitième Karmapa Mikyeu Dordjé (1507–1554).

Il est entre autres connu par ses écrits sur les distiques de Saraha, notamment sur le cycle des trois dohā (do ha skor gsum ṭi ka ‘bring po sems kyi rnam thar ston pa’i me long). Dans cet œuvre il s’attaque notamment aux « personnes méprisables », qui prétendent que les recueils des distiques dits « du Roi » et « de la Reine » ne soient pas composés par Saraha, et que par conséquent on ne peut pas faire référence à une « trilogie de dohā » (do ha skor gsum). Selon les mêmes « personnes méprisables » le triple cycle du (un seul) recueil de distiques de Saraha consisterait en une consécration, celle de Vajravārāhi ou encore des quatre symboles des distiques, l’explication des quatre symboles selon les distiques de Saraha et plus précisément selon le commentaire de Maitrīpa ainsi que l’instruction en les quatre symboles des distiques. Les deux autres recueils de distiques seraient des faux.

Il semblerait donc que ces deux recueils attribués à Saraha furent l’objet d’un litige à l’époque de Karma Trinlépa qui (15-16ème s.) prit parti pour le camp des « trilogistes ». Il faut noter que des personnes plus illustres comme Buteun Rinchen Drub (1290-1364) avaient également émis les mêmes doutes.[3] Karma Trinlépa ne mentionne d'ailleurs pas les noms des « personnes méprisables ».

Rappelons d’abord qu’à l’arrivée d’Atiśa au Tibet en 1042, celui-ci fut empêché d’enseigner le recueil de distiques de Saraha. Il s’agissait du recueil Dohākoṣagīti, baptisé rétroactivement (trilogie) « les distiques du peuple » (dmangs do ha). Le camp des « anti-trilogistes » semble ainsi se rattacher au seul Dohākoṣagīti et au commentaire de Maitrīpa.

Les trilogistes se reclament de plusieurs transmissions qui remontent toutes à Vajrapaṇi, un des disciples de Maitrīpa. Vajrapaṇi séjournait à Katmandou et avait voyagé au Tibet. La première transmission descendant de Vajrapaṇi passe par le népalais Asu (Balpo Asu), qui s’installa au Tibet. Elle est appelée « transmission népalaise » (bal lugs). Réchungpa (1083-1161), le disciple de Milarepa, aurait reçu la trilogie d’Asu le népalais et du thaumaturge Tibupa, qui aurait transféré son principe conscient dans un pigeon voyageur et ensuite dans le corps d’un jeune brahmane fraîchement décédé. La double transmission qui descend de Réchungpa est apellée « transmission Réchung » (ras chung lugs). La transmission Réchung passa ensuite par Ngari Djoden (mnga’ ris jo gdan 11-12ème s.) et son disciple Drushulwa (gru shul ba). Cette transmission fut appelée « transmission Par » (par lugs). A partir de la transmission Réchung, il y eut encore une transmission dite « Kar » (Karmapa 3 Rang byung rdo rje 1284-1339)[4] et « Ling » (le trousseur de jupons Ling ras pa (1128-1188)[5].

Selon des anti-trilogistes, l’auteur des deux autres distiques serait Asu le népalais (selon Geu lotsawa), ou encore spar phu ba blo gros, détenteur d’une transmission « Ling » et d’une autre remontant à Pamo droupa (rdo rje rgyal po, 1110-1170). C’est l’opinion du maître sakyapa Drakpa Dordjé (grags pa rdo rje dpal bzang po né en 1444). Les anti-trilogistes recensés par Schaeffer comptent deux sakyapa, un shaloupa, un kadampa, a myes zhabs (ngag dbang kun dga’ bsod nams 1597-1662), Buteun Rinchen Drub (1290-1364) et Chomden reltri (bcom ldan rig pa’i rel gri 1227-1305). Schaeffer conclue que la controverse au sujet de l’authenticité de la trilogie de Saraha était d’ordre sectaire, avec les kagyupa trilogistes en position de défense. Notons cependant que toutes les transmissions trilogistes remontent à Réchungpa. Une nouvelle fois, Réchungpa est opposé à Gampopa, qui dans ses œuvres ne cite par ailleurs que du Dohākoṣagīti.

***

[1] Du maître sakya Sangyé Rinchen (1450 - 1524).

[2] Les six yogas de Nigouma et les six yogas de Sukhasiddhi de Sha ra rab ‘byams et le cycle de Nigou de slob dpon sangs rgyas chos grags pa

[3] Schaeffer, p. 71, 73. Source : bstan ‘gyur gyi dkar chag yid bzhin nor bu dbang gi rgyal po’i phreng ba pp. 496.6-497.1

[4] Zang ri ras pa, ‘gro mgon ras chen, pom grags pa

[5] Loji Gowa et Tsangpa Sumpa (gtsang pa sum pa)