vendredi 12 juillet 2013

Babylon, capital des visionnaires



Le mot « apocalypse » vient du grec apokálupsis qui signifie « dévoilement » ou « révélation ». Il s’agit d’un genre d’écrit dont le plus connu est sans doute la Révélation de Jésus-Christ de l’apôtre Jean. Mais c’est un genre littéraire d’origine juive qui remonterait aux prophètes de l'époque de l'exil à Babylone (VIème siècle av. J.-C.), et qui prit son essor au IIème siècle av. J.-C. Ce genre de texte se présente souvent sous forme de visions et peuvent contenir des révélations sur la fin des temps et s’accompagner d’idées messianiques. Un prophète est une personne qui reçoit par inspiration divine ou autre et souvent sous forme de visions la connaissance d'événements à venir. C’est donc le plus souvent pendant des périodes de troubles que l’on s’intéresse aux prophètes et aux prophéties, pour savoir ce que l’avenir portera.

Parmi les écrits apocalyptiques juifs et chrétiens, il y a de nombreux apocryphes et pseudépigraphies. Un apocryphe est un écrit qui n’est pas considéré comme authentique. Une pseudépigraphie est un écrit avec une fausse attribution, littéralement avec une fausse épigraphe/colophon. Il s’agit le plus souvent d’un écrit composé plus tard qui est attribué à un auteur reconnu, qui a vécu plus tôt. Si cet auteur était un prophète ou un visionnaire qui écrivit sous inspiration divine, la pseudépigraphe peut passer pour une révélation ou une prophétie d’inspiration divine, ce qui lui donne un certain pouvoir. Le phénomène n'est pas exclusif aux écrits apocalyptiques et gnostiques, mais était aussi très répandu dans le bouddhisme. Des travaux de recensement ont déjà été commencés pour la Chine. Pour le Tibet tout reste encore à faire.

Les apocryphes et les pseudépigraphes des uns sont les textes canoniques des autres et vice versa. C’était souvent le pouvoir royal qui décidait quels écrits étaient canoniques ou hérétiques.

La période de la littérature apocalyptique s’étale entre le IVe siècle avant J.-C. et la fin du IIe siècle de l'ère chrétienne. « On peut ainsi déceler comme terreau commun à ce genre prophétique une ossature narrative qui a pour fondement une vision-révélation divine transmise à un homme, généralement par l'entremise d'un être surnaturel, dans une représentation du monde caractérisée par la présentation de deux ordres de la réalité : celui de l'expérience humaine sensible et celui d'une réalité spirituelle invisible et inaccessible à l'expérience courante mais déterminant pour le destin humain. La révélation elle-même procède d'une réalité transcendante qui propose à la fois une dimension temporelle, dans la mesure où elle propose un salut eschatologique, et spatiale, dans celle où elle annonce l'imminence d'un monde nouveau. »[1]

C’est peut-être sous l’influence irano-chaldéenne que l’apocalyptique juive a développé une théologie des intermédiaires, dont on trouve des traces dans un écrit comme le Livre d’Hénoch, considéré comme un apocryphe et pour cette raison exclue de la Bible dite des Septante lors du concile de Laodicée, mais qui aurait pu être composé au IIIe siècle av. J.-C. La connaissance relative aux réalités des mondes célestes et intermédiaires et de ceux qui les habitent s’appelle la gnose.
« Connaissance se présentant non comme un savoir acquis, mais comme une intuition salvatrice, une révélation intérieure, reposant sur le dualisme de la connaissance et de l'ignorance, du bien et du mal, de l'esprit et du corps, et se fondant sur l'idée que le monde sensible est dominé par des puissances mauvaises, hostiles au Dieu transcendant, source du monde spirituel que le gnostique cherche à connaître. » (Atilf)
Cette connaissance apporte le salut. La recherche de la connaissance qui sauve, la gnose, dans les milieux apocalyptiques juifs et judéo-chrétiens donnera forme à des courants messianiques et apocalyptiques qui aboutiront, entre 70 et 140, en ce qu’on appellera le gnosticisme. Sous cette dénomination, on trouve des sectes du judaïsme hétérodoxe, du christianisme hétérodoxe et le gnosticisme proprement dit. Jean Danielou relève 11 sectes, dans l’ordre : l’ébionisme, l’elkasaïsme (auquel appartenait les parents de Mani), les nicolaïtes, Cérinthe, les simoniens, Ménandre, Satornil, les barbelognostiques, les séthiens, Carpocrate et Basilide.

En traduction, il faut bien distinguer ce qui relève de l'intuition, la connaissance immédiate et principielle et de ce qui relève de la gnose au sens propre (voir ci-dessus) et de leurs "sciences appliquées". Les deux types de connaissance sont considérées comme salvatrices, et les deux se disent malheureusement jñāna en sanscrit et ye shes en tibétain. Mais il y a un monde ou des mondes de différence entre les deux. La première jñāna  relève plutôt de l'Éradication de la Rigidité (T. khregs chod) et la deuxième du Franchissement du pic (T. thod rgal).


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[1] Source wikipedia, Elian Cuvillier, « Apocalypse de Jean », dans Daniel Marguerat (dir.), Introduction au Nouveau Testament : Son histoire, son écriture, sa théologie, éd. Labor et Fides, 2004, p. 387.

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