lundi 17 novembre 2014

De l'usage de dieux universalistes à protubérance



A l’époque d’Alexandre le Grand (356-323 av. J.-C. à Babylone) et de ses généraux prenant la suite, il y avait une forte volonté de fusionner les cultures grecque et orientale. A la fin de ses conquêtes, son empire s’étendait des frontières de la Grèce, à la Bactriane (actuel Afghanistan), y compris le Proche-Orient, l'Égypte, Babylone et la capitale perse de Persépolis. En -331 il fonda Alexandrie en Egypte, avec sa fameuse bibliothèque. Après la mort d’Alexandre en 323 av. J.C., Ptolémée, fils de Lagos, fondateur de la dynastie des Lagides, s’installe à Alexandrie et en fait la capitale de l’Égypte. Ptolémée fut un des plus loyaux généraux d’Alexandre et l’avait accompagné lors de ses campagnes en Afghanistan et en Inde.

 Le dieu Serapis avec de longs cheveux bouclés, une barbe
et un récipient servant à mesurer le grain symbole de fertilité (au Louvre). Notez les rameaux fleuris.

Il exista déjà en Egypte un culte de Serapis.[1] Il fut utilisé, développé et diffusé par Ptolémée I, avec l’idée d’y intégrer les autres cultes existants et d’unifier les grecs et les égyptiens de son empire. La représentation de Serapis était anthropomorphe de type grec, mais avec de nombreux éléments iconographiques égyptiens de cultes d’abondance et de résurrection. Le nom Serapis est sa forme latine, on trouve également les formes Σάραπις, Sárapis and Σέραπις, ainsi que Σαραπo Sarapo[2] en Bactriane (où vécut le roi Ménandre I / Milinda, c. 165 –130 av. J.C.), une région à cheval sur les États actuels d'Afghanistan, du Tadjikistan, et de l'Ouzbékistan, située entre les montagnes de l'Hindū-Kūsh et la rivière Amou-Daria.[3] Le culte du dieu syncrétique Serapis développé en Egypte était donc exporté vers l’autre bout de l’empire.


Hormis la simple anecdote de l’invention d’un dieu syncrétique par Ptolémée pour offrir/imposer une religion universelle à tous ces citoyens de diverses cultures, on pourrait y voir une stratégie. Et si cette stratégie fut appliquée par un des généraux d’Alexandre le Grand, à l’une extrémité de l’ancien empire (Alexandrie), ne pourra-t-elle pas être appliquée aussi à l’autre bout de l’empire, par un autre général d’Alxeandre, ou par ses descendants ? Les dieux (Serapis) semblent avoir été exportés, tout comme la science des astres ptoléméenne au 3ème siècle av. J.C.[4], pourquoi pas cette stratégie qui faisait sans doute partie de l’art de conquérir et de gouverner que maîtrisaient si bien les généraux d’Alexandre ?

Si cette stratégie avait aussi été appliquée à l’autre bout de l’empire helléniste, par exemple en Bactriane ou au Gandhara, « une région située dans le nord-ouest de l'actuel Pakistan et l'est de l'Afghanistan, incluant les vallées de la Swat [Uḍḍiyāna] et de la Kaboul jusqu'à l'Indus », de quel petit dieu local auraient pu se servir les généraux d’Alexandre pour unifier les grecs et les autochtones ? Un dieu acceptable pour les deux ou multiples parties ? Peut-être un dieu qui n’avait pas encore un visage (aniconique), et à qui ces amateurs de formes anthropomorphes ont donné en premier un visage et un corps, qui leur ressemblait ?




Nous ne savons pas si le succès du bouddhisme dans cette région fut le résultat d'une telle stratégie, mais quand le grand empereur Ashoka (304-232 av. J.-C.) de la dynastie indienne des Maurya qui avait récupéré (en -304) les territoires conquis par Alexandre, était au pouvoir il semblait être motivé par la même volonté universaliste, et fut très en faveur du bouddhisme, qui avait peut-être fait déjà ses preuves comme une religion universaliste à pouvoir confédérateur ?

***

[1] « A temple of Sarapis (or Roman Serapis) in Egypt is mentioned in 323 BCE by both Plutarch (Life of Alexander, 76) and Arrian (Anabasis, VII, 26, 2). » (wiki)

[2] Wiki

[3] Wiki

[4] Michio Yano, "Planet Worship in Ancient India" in Studies in the History of the Exact Sciences in Honour of David Pingree (Leiden: Brill, 2004), 333.

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