samedi 3 février 2018

Le festival des chars de Purī



Le festival des chars de Purī (ratha jātrā) commence en mai/juin le jour de pleine lune du mois de Jyeṣṭha, qui est le dernier jour de ce mois. C’est le jour du Festival du bain (snāna purnimā), la pleine lune du bain). Le Festival ne dure qu’un jour et est suivi d’une période de maladie, et une fois tous les 19 ans de la « mort » des dieux. Les dieux obtiennent alors un nouveau corps (nabakalebara).

Le jour du Festival du bain, les représentations de Lakṣmī et de Bhūdevī (les femmes de Jagganāṭh) sont sorties du cœur du temple (garbha-griha), déplacées en procession et placées sur des plateformes de bain, visibles de la rue avec les autres dieux.

Festival du bain
Les dieux sont alors baignés avec l’eau de 108 jarres. L’eau coulant sur les représentations les efface. L’eau provient de la source devant le temple de la déesse Sitalā (déesse de la fièvre et de la variole). Une fois lavées des masques de Gaṇeśa (Ganeś beśa) sont attachés devant les représentations.

Les masques de Gaṇeśa sont fixés 
Les dieux sont dissimulés derrière les masques. Les pūjā paṇḍā font les diverses offrandes de nourritures. Après le bain, la plateforme est balayée par le roi ou un de ses serviteurs. Le roi est le représentant terrestre séculier de Jagganāth, et quelquefois un officiant, mais lui reste subordonné, laquelle subordination est marquée rituellement (balayeur). Les dieux retournent dans le temple, mais pas dans le cœur du temple. Elles sont placées en position inclinées à même le sol, soutenues par des supports en bois. Elles seront « malades » (aṇasara), pendant quinze jours. Il n’y a plus de cuisine de faite, et les divinités reçoivent des nourritures non cuites (fruits, lait, produits laitiers), façon tribale (śabara pūjā). Les divinités reçoivent aussi des plantes médicinales. Un nouveau tissu est placé sur les représentations, et les traits des divinités sont repeints à l’exception des yeux. Les anciens tissus (praśād) sont portés au roi le douzième jour. Le roi ordonne l’organisation du festival des chars navaux. Le treizième jour, le peintre se remet à peindre les divinités. Il finira le quatorzième jour. L’exception étant que tous les 19 ans, Jagganāth « meurt », se manifeste dans un nouveau corps (Daru), et une nouvelle statue sera construite.

À l’aube du quinzième jour (de nouvelle lune), qui est le premier jour du Festival des chars, les pèlerins accourent vers le temple pour voir « la nouvelle jeunesse des divinités » (naba jaubana darśana), et par conséquence la nouvelle jeunesse du roi et du pays. Après cette présentation (darśana), le temple et les divinités sont purifiés et les trois pūjā paṇḍa peignent les pupilles des yeux des dieux (netroścaba). Quand les dieux ouvrent les yeux, une cérémonie de bienvenue (bandāpanā) a lieu. Les offrandes et la cuisine reprennent.


Le deuxième jour du festival, les pèlerins se baignent dans la mer, avant d’aller au temple, où les trois chars (navaux) se tiennent prêts, consacrés par les brahmanes et recouverts de tissus colorés : rouge et noir pour Subhadrā, jaune et rouge pour Jagganātha et vert et rouge pour Balabhadra.


Le pilier (phallique) qui représente Sudarśana (la puissance et le disque de Vichnou) est sorti en premier du temple et circumambule les trois dieux (vidéo youtube).

Le roi avec son balai d'or
Le roi balaie autour des plateformes avec un balai en or avant que les chars se mettent en marche. Les chevaux en bois sont alors fixés sur le devant de chaque chariot et le crieur du char (ratha dāhuka) équipé d’un bâton crie des obscénités aux gens, ce qui provoque des rires.


Les chars parcourent les trois kilomètres qui les séparent du temple de Guṇḍica. Il est dit que Guṇḍicā était la femme du roi Indradyumna, qui avait instauré le culte de Jagganātha dans la ville. Si Jagganātha est l’équivalent de Dionysos, le séjour auprès de Guṇḍicā, la femme de « l'archonte-roi », pourrait être l’équivalent de l’hiérogamie de Dionysos et la femme (« Bhūdevī ») de « l'archonte-roi », « sa sœur »[2], le deuxième jour des Anthestéries.



Sudarśana entre le temple, on lui enlève les lianes fleuries (à 35 sec.), suivi par Baladeva/Balabhadra

A la tombée de la nuit (donc par mesure de "discrétion"), les dieux sont portés à l’intérieur du temple, d’abord le pilier phallique Sudarśana et Balabhadra, ensuite Sulabhadra et Jagganāth. Ils y restent sept jours. Cette période correspond selon Marglin à la récréation (līlā) de Krishna, où le temps est suspendu.[1]

Le cinquième jour, il y a un retournement de situation et un petit vaudeville se joue. Jalouse, Lakṣmī, la deuxième femme de Jagganāth se pointe vers le temple de Guṇḍicā en compagnie des devadasi. Elle lui lance de la poudre magique aux yeux, qui a pour effet de réveiller Jagganāth et de le faire sortir du temps suspendu. La réalité (māyā) reprend le dessus, le temps se remet en marche. Jagganāth rejoindra Lakṣmī la septième jour.


Jagganath est revigoré par son séjour parmi les courtisanes, ce qui se manifeste par les attributs en or : les dieux reçoivent des habits en or (sunā beśa) et, pendant un moment, on fixe des bras et des jambes en or sur les bouts de leurs corps imparfaits, c’est le retour de l’abondance. Les chars retournent au temple de Jagganāth. Pendant deux jours, les chars resteront garés devant le temple, donnant aux pèlerins l'occasion de faire leurs dévotions et de célébrer avec les dieux. Le neuvième jour, les dieux sont ré-installés dans le cœur du temple. La vie reprend son cours habituel.


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[1] Frédérique Apffel Marglin, Wives of the God-King, The Rituals of the Devadasis of Puri, Oxford University Press (1985), p. 276

[2] Marglin, p. 259, ou encore la sœur de sa mère (māusi mā), p. 275…

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