mardi 13 décembre 2016

La réintégration du Naturel II




La réintégration du Naturel II[1]

Quel est le Naturel que l'on réintègre ? Il s'agit du Discernement (tib. rig pa) et de la vacuité qui sont le Naturel. Cela ne veut pas dire qu'elles soient présentes de façon individuelle et différenciée. La réintégration du Discernement [au cours des expériences de luminosité (tib. gsal ba), de plénitude (tib. bde ba) et de vacuité (tib. stong pa), est la réintégration du Naturel. Elle se divise en deux : l'armure de la vue et l'armure de la sagesse.

1. L'armure de la vue

Elle consiste en quatre sortes de caractéristiques :

1.1. la caractéristique de la perception,
1.2. la caractéristique de la particularité,
1.3. la caractéristique de l'agent,
1.4. la caractéristique de l'essentialité.

1.1. La caractéristique de la perception

Au départ, [la perception] n'est pas produite, au milieu elle ne dure pas et à la fin elle n'est pas détruite. Elle n'existe pas en une couleur ou une forme et elle est libre de toute complexité (sct. aprapañca). Elle est le principe (sct. artha) inidentifiable, et qui n'est cependant pas non-existante.

Le fait qu'elle est inengendrée correspond au corps réel (sct. dharmakāya).
Le fait qu'elle est infinie correspond au corps symbolique (sct. sambhogakāya).
Le fait qu'elle ne dure pas correspond au corps fonctionnel (sct. nirmāṇakāya).
Le fait que son essence ne peut pas être identifié correspond au corps essentiel (sct. svābhāvikakāya).

L'établir comme le quadruple corps est la caractéristique de la perception.

Elle n'est pas non-existante, mais un flot unifié et ininterrompu de manifestations et d'intelligence, qui dure dans le temps, c'est cela la caractéristique de la perception.

1.2. La caractéristique de la particularité
La caractéristique de la perception, qui n'est pas quelque chose, est l'émergence des diverses représentations. L'émergence, en tant que l'essence de ce qui n'est pas une chose, se manifeste comme une perception vive, non obnubilée par des représentations. Sa stabilité est la caractéristique de la particularité.

1.3. La caractéristique de l'agent

Ce sont les représentations de la nature des choses qui émergent comme la diversité. En l'absence d'un agent, les diverses représentations émergent comme la nature des choses. C'est la caractéristique de l'agent.

1.4. La caractéristique de l'essentialité

Le principe simple (sct. tathārtha) est goûté dans l'Élément authentique. C'est la caractéristique de l'essentialité.


2. L'armure de la sagesse

On récite à trois reprises les formules de la sagesse[2] correspondant à la phase de l'étude « l'inengendré,… » etc.

La sagesse qui provient de la réflexion consiste en la compréhension de ce principe. La sagesse qui provient de la pratique consiste en les quatre réintégrations (sct. yoga[3]).

1. Sans se disperser de l'essence du Discernement, reconnaître tout ce qui se manifeste, et tout ce qui est remémoré comme pensée. Sa présence est la réintégration de la concentration unifiée (sct. ekāgra).

2. Si, lors de concentration unifiée, une représentation [surgit], i. la maîtriser immédiatement ii. la retracer.[4] Après avoir intégré les représentations de la sorte, elles deviennent iii. Indispensables et bienveillantes[5], car elles sont la réintégration de la non-complexité (sct. aprapañca)[6].

3. Lorsque, tout en restant dans la continuité de cet état, on s'engage dans des chemins de traverse, et que l'on reconnaît les apparences extérieures comme une réalité flottante (tib. ban bun), c'est la réintégration de la saveur unique (sct. ekarasa) de la diversité.

4. Si on se familiarise avec celle-ci, le Discernement brut demeure seul, sans être obnubilée par des représentations. À ce moment, on laisse cette familiarisation évoluer jusqu'à ce qu'elle aboutit au corps réel (sct. dharmakāya). C'est la réintégration de la non-méditation[7].

Cela termine l'exposé des armures de la vue et de la sagesse. J'ai pu faire l'expérience des instructions du bon lama. Toutes les représentations sont la pensée. Reposez-vous en l'état continu qui n'a ni naissance, ni durée ni destruction, et sans vous disperser.


***

[1] Ceci est le dernier des deux textes faisant partie de La transmission de la double armure du Sceau universel (tib. phyag chen go cha gnyis kyi man ngag), attribuée à Gampopa. Ils font partie de son œuvre complète (tib. gsung ‘bum).

[2] Il s’agit sans doute des formules que l’on trouve dans le premier texte de la réintégration du Naturel. « Inengendrée, infinie, et sans durée, la pensée n'a pas de réalité concrète. »
Ainsi, en répétant trois fois la formule, on développe la sagesse de l'étude.

[3] Il s’agit des « quatre yoga » de la mahāmudrā.

[4] Voir la triple méthode du maître kadampa Tcharioua.

[5] Voir l’explication de la troisième branche de la méthode de Tcharioua.

[6] Ou de la diversité, ou de la manifestation. D'abord sont intégrées les représentations, ensuite est intégrée l'absence de représentation.

[7] Appelée « réintégration du recueillement universel » dans le premier texte de La réintégration du Naturel.

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