mercredi 1 juillet 2015

Des siddhis pour se donner les moyens


The Exorcist
Nous avons déjà vu sur ce blog comment, à partir de la renaissance tibétaine, la voie des mantras était jugée supérieure à toutes les autres voies bouddhistes. Nous avions vu aussi comment la mahāmudrā et le dzogchen (tib. sems sde) tels qu’ils avaient été enseignés au Tibet jusqu’au XIIème siècle n’étaient plus à la hauteur de la demande des bouddhistes tibétains, pour qui ils manquaient de moyens (sct. upāya) et de pouvoirs surnaturels (sct. siddhi). Ils n’étaient plus « cutting edge », contrairement aux tantras fraîchement importés de l’Inde, du Népal ou « faits maison » au Tibet.

Pamodroupa (1110-1170) avait rejoint avec beaucoup d’enthousiasme l’équipe du 3ème détenteur Sachen Kunga Nyingpo (sa chen kun dga' snying po, 1092-1158). Il avait ainsi collaboré à la toute première compilation du cycle « Voie et fruit » (tib. lam ‘bras), que Sachen Kunga Nyingpo avait reçu d’une vision du mahāsiddha Virūpa, quand il était en retraite dans une grotte près du siège sakyapa.

Mais même en vivant auprès de la source des plus hauts tantras, Pamodroupa n’avait pas réussi à étancher sa soif, et au bout de douze ans il s’était rendu auprès de Gampopa, qui n’enseigna pourtant qu’une mahāmudrā ersatz, si on en croit ceux qui l’avaient déclassée par la suite en mahāmudrā selon le système des sūtras (tib. mdo lugs). Comme l’avait expliqué Bharima (probablement la femme de Tipupa) à Réchungpa, le dzogchen (sems sde) et la mahāmudrā sont des pratiques que l'on trouve uniquement parmi les yogis tibétains. Ce seraient des pratiques erronées, car elles nient l'existence des dieux et des démons qui sont la source de tous les siddhis. Les siddhis ne peuvent être obtenus que des dieux et démons, ou du gourou qui en est dépositaire, pour avoir pratiqué les tantras.

Un Bouddha qui n’a pas ses moyens (sct. upāya) n’est pas un Bouddha, car il serait incapable d’aider les autres. Il serait comme un médecin incapable de pratiquer la médecine et d’alléger la souffrance d’autrui, car ne disposant pas de la Science (sct. vidyā) nécessaire.

L’équipe du siège de Sakya, dont Pamodroupa avait fait partie, disposait de cette Science, car elle l’avait obtenue par des voyages en Inde et au Népal, par des maîtres indiens et népalais visitant le Tibét, par les visions de mahāsiddhas, par les voyages astraux dans des pays cachés (tib. sbas yul) etc. Il existe une collection de traductions anglaises (faites par Christopher Wilkinson), intitulée « An Overview of Tantra and Related Works (Sakya Kongma Series) », qui donne un aperçu des travaux de cette équipe et de leur Science. Il s’agit d’œuvres de la main de Sachen Kunga Nyingpo, son fils Jetsun Dragpa Gyaltsan (1147–1216) et le disciple de ce dernier Sakya Pandita (1182–1251).

On y apprend entre autres comment soulager les souffrances d’un malade mental. Je traduis.
« Mélanger de la viande humaine, des graines de moutarde blanche, du Gugul[1] noir, de l’orge cru, du bois d’arbre de perroquets (?), du réalgar, du souffre et des cendres de corps incinérés de personnes n’ayant jamais été malades. Identifiez-vous au Courroucé. Brûlez ces huit substances dans des braises, pour produire de la fumée que vous soufflez dans le visage du patient, en l’empêchant de s’échapper. Maintenez-le en place. Récupérez un cheveu d’une veuve en deuil en lui brossant les cheveux et attachez-le à la nuque du patient. Tenez-le de la main gauche. Récitez le mantra et utilisez votre main droite pour lui lancer des graines de moutarde et d’orge cru, jusqu’à ce qu’il commence à crier. Répétez ceci sans cesse, pour l’amener dans une meilleure disposition. Si cela ne se produit pas, cela veut dire qu’il ne s’agit pas d’un démon (tib ‘dre). Il faut alors préparer un remède. Si le corps du patient flotte dans l’air, tremble, crie et rie, il s’agit d’un démon (tib. ‘dre). Attaquez-le alors comme précédemment. Vous pouvez avoir besoin d’aide, mais vous finirez par le maîtriser.
Ceci est profond. »[2]
Je me demande si ces instructions profondes font partie des échanges du Mind and Life Institute

***

[1] De l’encens capable de chasser les démons.

[2] « Controlling Madness
Mix big meat, white mustard seed, black Gugul, raw barley, Parrot tree wood, realgar, sulpher, and ashes from the burnt corpses of people who were never sick. Put yourself in the pride of the Wrathful One. Burn these eight substances on a cinder fire to make smoke blow in front of the patient in a way that he cannot escape. Keep him there. Brush out the hair of a widow in morning and tie it onto the patient’s neck. Hold him with your left hand. Recite the mantra and use your right hand to pelt him with mustard and raw barley until he screams. Do this over and over to bring out an attitude that is better than the previous one. If this isn’t happening it is not a ‘Dre. You must prepare medication. If the patient floats up, shivers, cries, and laughs, it’s a ‘Dre. Assail it as before. You might have to ask someone else about it, but you will get it under control.
This is profound. »
An Overview of Tantra and Related Works (Sakya Kongma Series ) (Volume 4) Paperback – July 30, 2014.

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