mardi 2 septembre 2014

Bien naître ou bien être, that's the question


L'origine du monde de Gustave Courbet
Quelle était l’attitude du bouddha envers la cosmogonie, la théogonie, la généalogie ? Le Sutta sur le savoir des origines (aggañña-sutta[1]) nous fournit de bonnes bases. Richard Gombrich considère ce sutta comme une parodie de textes mythologiques, dans ce cas brahmaniques, comme l’Hymne à la Création (RV X, 129). Le bouddha ne cherche pas une confrontation directe en opposant ces théories ou toute spéculation de ce type, mais propose une autre théorie ou spéculation à travers laquelle il explique sa propre doctrine tout en reprenant les caractéristiques et les termes des textes cosmogoniques, théogoniques et généalogiques. Ce qui n’a pas empêché certains bouddhistes à prendre ce texte au premier degré comme la doctrine cosmogonique, théogonique et généalogique officielle du bouddha.[2]
« Or, quand Brahma eut brisé l’oeuf d’or et eut fait les cieux et la terre, de sa bouche naquirent les Brahmines ; à eux le droit d’aînesse, celui du sacrifice , divine prérogative, puissance dont le doute serait un blasphème. De ses épaules vinrent les Tschatryâs ; la guerre est leur partage: Brahmâ les a armés de sa main ; ils doivent défendre les Brahmines et régner par eux sur les autres: c’est le droit du glaive. Ensuite les Verischyâs (laboureurs) sortirent de ses cuisses: la terre leur fut donnée à cultiver: ils devaient nourrir leurs princes des deux autres races; c’était le droit de la glèbe. Enfin des pieds du Dieu parurent les Soudrâs qui devaient employer toute leur vie aux arts utiles et dont la récompense était la prière du Brahmine, la protection du Tschatryâ, le pain du Verischyâ. Et avant tout, les Brahmines reçurent les livres sacrés, les lois et les sciences, et ils régnèrent sur les autres d’aussi haut que l’intelligence domine la force, la matière et le travail mécanique. Voilà ce que fit Brahma aux quatre visages. »[3]
L'aggañña-sutta est la réponse du bouddha à une question de deux jeunes brahmanes rejetés par les autres brahmanes parce qu'ils suivaient le bouddha et qu'ils avaient rejoint sa bande de malpropres (nāstika). "Vous êtes les véritables enfants de Brahma, né de la bouche de Brahma [...] et vous avez déserté la classe supérieure [...] pour rejoindre la classe la plus basse de petits renonçants rasés, de serviteurs et de noirs ("dark fellows") nés des pieds de Brahma!"  Le bouddha n’accepte pas ce mythe de l’origine de la société hiérarchisée instaurée par les brahmanes et la considère comme une nouveauté, une invention nouvelle. « Les brahmanes, auraient-ils oublié leur ancienne tradition » (c'est-à-dire d'avant qu'ils naissent de la bouche de Brahma) en prétendant ainsi être nés de la bouche de Brahma, ce qui leur donnerait le droit d’aînesse sur les autres ? Il ajoute : « car nous pouvons voir des femmes brahmanes, les femmes de brahmanes, qui ont des règles, qui tombent enceinte, qui mettent au monde des bébés qu’elles nourrissent au sein. Ces brahmanes mésinterprètent Brahma, racontent des mensonges et agissent mal. »

Celui dont la foi est placée, enracinée et établie solidement dans le Tathāgata, sans qu’elle puisse être ébranlée par aucun renonçant, brahmane, deva ou māra ou Brahmā ou par qui que ce soit dans le monde, pourra dire en vérité « Je suis un vrai fils du Bienheureux, né de sa bouche, né du Dhamma, créé par le Dhamma, un héritier du Dhamma » Pourquoi cela ? Parce que, Vāseṭṭha, c’est cela qui désigne le Tathāgata : « Le Corps de Dhamma » (dhammakāya), qui est « Le Corps de Brahmā », ou bien « devenir Dhamma » est « devenir Brahmā. »[4]

La vertu la plus haute est le Dhamma. "C’est le Dhamma qui convient le mieux, maintenant et après." Quelle que soient ses origines, et le bouddha souligne que nous sommes tous originaires des mêmes êtres, et quelque soit le statut accordé par la société gouverné par un khattiya (roi, princes, guerriers).

Le bouddha cite Brahmā Sanankumāra[5] qui avait dit :

« Les khattiya sont supérieurs parmi ceux qui adhèrent aux valeurs d’une société hiérarchisée
Celui qui possède connaissance et moralité est supérieur parmi les dieux et les hommes. »[6]

Et déclare qu’il est d’accord avec lui. Et sans doute aussi Jésus :

« Rendez à César ce qui appartient à César, et à Dieu ce qui appartient à Dieu ». (Marc, XII, 13-17; Matthieu, XXII,21; Luc, XX, 25 )

***

[1] 27. Agganna-sutta (A propos du début des choses)

[2] Pour Gombrich (How Buddhism Began, chap. III Metaphor, Allegory, Satire, p. 81-82), l' Aggañña Sutta « is a parody of brahmanical texts, especially the Rig Vedic `Hymn of Creation' (RV X, 129) ... a parodistic re-working of brahmanical speculation, and at the same time an allegory of the malign workings of desire. [...] Strictly speaking, the Aggañña Sutta is not a cosmogony, since for Buddhists an absolute beginning is inconceivable (SN II, 178ff.); but it explains how the world came into being this time round ». [Still] « Buddhists have since the earliest times taken it seriously as an account of the origins of society and kingship, and even traced the Buddha's own royal origins back to Mahâ-sammata, the person chosen to be the first king [...] ». Source "It explains" c'est beaucoup dire, le bouddha nous donne une parodie.

[3] Histoire du monde, depuis la création jusqu'à nos jours, Volume 1, par Henry de Riancey,Charles de Riancey p. 110

[4] Quand le Bouddha parlait lui-même de sa véritable nature et de son éveil, il utilisait le terme « tathāgata ». Richard Gombrich expliqua dans ses conférences Numata (en 2006) que lorsque « gata » (aller) est utilisé dans des mots composés de ce type, il perd son sens premier d’aller et signifie simplement « être ». Le tathāgata est alors « celui qui est comme cela ».

[5] Explications détaillées

[6] Khattiyo settho jane tasmim ye gottapatisārino
Vijjācaranasampanno so settho devamānuse.

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