lundi 30 septembre 2013

La pensée créatrice libérée de la sadhana



Dan Martin a mis une sélection de ses articles publiés librement en ligne. Parmi ces articles, un article intéressant sur la notion de Dieu créateur, intitulé Creator God or Creator Figure. Il y publie un petit texte de la main de Jigten Goeunpo ('Jig-rten-mgon-po, 1143-1217 ce), le fondateur de l'école Drigoung ('Bri-gung). Dans ce petit texte la conscience-en-soi (T. sems nyid S. cittatva), l'équivalent du rigpa, est comparée à un Brahma ou à un dieu "créateur", de la même façon que dans p.e. le Discours du roi pancréateur (T. kun byed rgyal po).

Le texte explique qu'il ne s'agit pas de combattre ou détruire le créateur qui est à l'origine d'une création qui cause de la souffrance. Car ce créateur n'est autre que soi-même. Au lieu de se purifier progressivement, ce qui peut prendre 3, 7 ou 21 existences, ou au lieu de se transformer en une divinité yidam, qui permet de devenir un Éveillé en l'espace d'une vie, Jigten Goeunpo propose d'accéder à la conscience-en-soi, ce qui permet de détruire tous les cercles de démons et de devenir un Éveillé le soir même. Comparer avec les trois voies de Gampopa, dont la dernière est la voie de la (re)connaissance. Voici une nouvelle traduction de ce texte, suivi de la version tibétaine éditée par Dan Martin.

"Hommage au Maître, [indifférencié de] Vajradhāra.

Celui que l’on appelle Srid pa Dkor rje Drang dkar est dit être le créateur (démiurge) de tous les mondes, Brahma, qui est si difficile à dompter. Car en essayant de vaincre, détruire ou éliminer le créateur de tous les mondes, on ne s’en prendrait qu’à soi-même.

Pourquoi ? C’est son propre Discernement qui est le créateur de tous les mondes. Quand on accède à ce [Discernement] qui est inengendré et dont la nature est parfaitement authentique, il est Brahma, ou le corps spirituel, le créateur du bien et de la plénitude. Ou encore la perfection de la sagesse (prajñāpāramitā).

En revanche, c’est la part non conforme, qui l’appréhende comme une essence ou comme un chef, dont il faut s’écarter. La pensée provisoire aidant s’en écarter [435] est la pensée éveillée et le double équipement du Kusāli [1] qui s’ensuit.

En écartant la notion d’un soi et d’un autre, d’un monde inanimé et animé, on se transformera en un Éveillé. Alors, en moins de trois, sept ou vingt-et-une [existences], le corps se dissoudra en élixir et toute déformation de notion de soi, autrui, monde inanimé et animé sera éliminée, suite à quoi on sera un Éveillé. Il est plus aisé de devenir un Éveillé si l’on se transforme (sādhana) en une divinité personnelle.

Mais la conscience-en-soi (S. cittatva), dont la nature est parfaitement authentique, échappant à tout concept et description, qui se déploie spontanément sans changement est encore plus aisée. Sans même un brin (T. khab) de corporéité. Sans aucun (T. spu tsam) apprentissage (T. nyan). Elle est ininterrompue et celui qui, au milieu des montagnes, ne se sépare jamais de la Simplicité parfaitement authentique, n’a pas la moindre différence avec les éveillés des trois temps. Est-il nécessaire de dire qu’il faut s’y appliquer constamment ? C’est cela même qu’il faut mettre en pratique. Encore, et encore et encore.
« Ainsi, c’est la réalité des éveillés des trois temps,
Le joyau, qui est le Seigneur du triple monde
En s’y absorbant de façon brute avec une amour universelle,
Le soir même, les cercles (maṇḍala) des démons seront domptés. »
Cette citation se concrétisera telle quelle.
Puissent tous trouver le parfait éveil.

***
Pour un raisonnement similiaire, Le reflet du serpent noir de Rongzompa

[1] « The generosity of a monk living in mountain solitude[dge slong ri khrod pa’i sbyin pa] refers to the special training in generosity of giving away one’s own body, in the manner of the kusāli-yogin, similar to the Chö-practice. This was explained in chapter three, stanza eleven. A yogin who dwells in retreat in secluded mountain abodes has no possessions other than his or her body. This practice is known as the ‘gathering of the accumulations of a kusāli-yogin’ [ku sā li’i tshogs gsags], a beggar-yogin. The term ‘kusāli’ refers to a beggar [sprang po], to those yogins and retreatants who have given up all concerns for this life. Since they have no other riches to use for gathering the accumulaiton of merit, they give their own bodies away as an offering. » Source : Drops of Nectar, Khenpo Kunpal’s Commentary on Shantideva’s Entering the Conduct of the Bodhisattvas.

Texte tibétain Wylie

bla ma rdo rje 'chang la phyag 'tshal lo //

srid pa dkor rje drang dkar zhes bya ba de / 'jig rten thams cad kyi byed pa po tshangs pa / gdul bar shin tu dka' bar 'dod pa yin / 'jig rten thams cad kyi byed pa po de / bcom pa dang / brlag pa dang / tshar gcad par ci tsam du 'bad kyang / rang nyid la de ltar byas par 'gyur ba yin /

de'i rgyu mtshan yang rang gi rig pa 'jig rten thams cad kyi byed pa po tshangs pa yin / de skye ba med cing rang bzhin gyi rnam par dag par rtogs pa'i dus su / tshangs pa chos kyi sku phan pa dang bde ba thams cad kyi byed pa po / shes rab kyi pha rol tu phyin pa yin / de'i mi mthun pa'i phyogs nga dang bdag tu 'dzin pa yin pas de spong dgos / de spang ba la [435] thabs mkhas pa'i bsam pa byang chub kyi sems dang / de'i rjes su 'brangs pa ku sā li'i tshogs gsog gis bdag 'dzin spong ba /

rang gzhan snod bcud thams cad spangs nas sangs rgyas su byed pa 'di / lan gsum mam / bdun nam / nyi shu rtsa gcig byas pa'i 'og tu lus bdud rtsir zhu bas / rang gzhan snod bcud nyes pa'i dri ma sbyangs nas / sangs rgyas su gyur pas kyang blo bde / rang yi dam gyi lha gcig tu bsgrubs pas sangs rgyas su gyur pas kyang blo bde /

sems nyid rang bzhin gyi rnam par dag pa smra bsam brjod 'das lhun gyis grub cing 'gyur ba med pas kyang blo bde / phyir lus pa ni khab tsam yang med / ma nyan pa ni spu tsam yang mi 'dug / rgyun chad med par ri bo'i khrod du rnam par dag pa'i de kho na nyid dang ma 'bral ba 'di las / dus gsum gyi sangs rgyas la yang gzhan mi mnga' na / nged rjes su [436] 'jug pa lta smos kyang ci dgos pas / 'di kho na nyams su blang / ang ang ang /
de yang dus gsum sangs rgyas kun gyi dngos //
'jig rten gsum mgon rin chen gyis //
gnyug ma byams chen ting 'dzin gyis //
srod la bdud kyi dkyil 'khor btul //
zhes pas mngon no //

rdzogs pa'i byang chub thob par gyur cig // //

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