jeudi 14 mars 2013

Marcheur, ce sont tes traces



Dans l'idée que je me fais quelquefois du bouddha et du bouddhisme, il n'y a pas véritablement de doctrine. Elle n'est donc pas véritablement à corriger. La voie du Milieu (pas la doctrine qui a pris son nom) est le moyen que suit l'adepte du Bouddha pour trouver la Paix, qui ne se situe pas dans les extrêmes/pôles/contraires. Ce qu'est la voie du Milieu, la vacuité l'est aussi. La voie n'est d'ailleurs même pas une voie, dans le sens qu'elle est un parcours à suivre. Comme dit Antonio Machado (Caminante no hay camino), elle se fait en marchant, et entre les pôles de l'être et du non-être, éternalisme et nihilisme etc. C'est cela la liberté. Choisir l'être, le non-être ou tout autre pôle comme doctrine est un asservissement.

Ce n'est pas facile, c'est peut-être même impossible à réaliser. Les objectifs doivent-ils réellement être réalisés, ou tels qu'on se les fixe ? Le bouddhisme fournit donc des moyens (upāya), qui sont dits "habiles" dans le sens qu'ils sont provisoires. Si quelqu'un a tendance à trop virer vers l'être ou vers le non-être etc., il pourrait s'aider de moyens provisoires pour corriger le tir et pour s'éloigner du pôle vers lequel il dévie. Peut-être cela fonctionnera-t-il, ou peut-être pas. Ce n'est qu'un moyen comme il y en a tant d'autres. Il peut être efficace dans certains cas bien précis, et pas dans d'autres, ou a un certain moment et plus à un autre. En faire un dogme, ou une doctrine définitive serait une erreur.

Selon la tradition, le Bouddha aurait hésité avant d'enseigner "sa doctrine". Tout est dans cette hésitation. Chaque individu est différent, c'est-à-dire qu'il se trouve dans une situation différente. Le Milieu de l'un n'est pas forcément le Milieu de l'autre. Quand tout change, et que tout bouge en permanence, y compris soi-même, utiliser une carte avec des repères fixes n’est peut-être pas ce qu’il y a de mieux à faire. La voie du Milieu est sans doute plutôt une question d'attitude que de parcours. A quoi pourrait servir la projection d’une cartographie fixe sur un territoire qui est continuellement en mouvement (connaissez-vous Perelandra de CS Lewis) ? La carte est-elle d'ailleurs vraiment utilisée comme un moyen pour avancer, ou servirait-elle peut-être d’autres fonctions, davantage identitaires ?

L'homme naît seul et il meurt seul. Entre les deux, il préfère ne pas être seul. Etre entouré, de préférence, par ceux qui pensent (qui suivent la même destination et qui utilisent les mêmes cartes) comme lui l'apaise quelque peu. L'union ne fait-elle pas la force ? Il faut bien faire union autour de quelque chose et une doctrine, une croyance ou un upāya peut très bien faire l'affaire. Ce qui vaut pour tous les groupes, vaut aussi pour les groupes religieux ou les écoles bouddhistes. Pour le reste, les groupes se comportent comme des individus, mais à une échelle différente. Seulement, le "Dharma", autre nom pour la voie du Milieu, se pratique au niveau individuel, puisque le Milieu de l'un n'est pas le Milieu de l'autre. Il ne suffit pas de participer à un groupe, de se dire membre d'un groupe, pour avancer sur un chemin qui serait tout tracé d'avance, et de pratiquer des upāya qui par miracle vous amèneraient là où vous et votre groupe rêviez d'arriver.

Tout ceci est évidemment très schématique et toute ressemblance avec la réalité serait naturellement totalement fortuite et indépendante de la volonté de l'auteur.

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Ulysse navigant entre Charybde et Scylla

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