lundi 18 février 2013

Se tourner vers le passé ou vers le futur ?



Pour changer le présent, on peut se tourner vers le passé ou vers le futur. On peut imaginer un passé glorieux, un âge d’or où tout était en harmonie, et prendre pour objectif de reconstruire ces temps heureux ici et maintenant. Seulement, les hommes qui vivaient à l’époque sont tous morts. Personne ne peut nous transmettre leur science. S’il existait des êtres (des dieux, des démons, des extra-terrestres, des immortels…) immortels ou à une longévité exceptionnelle, ils pourraient sans doute nous aider. Si on est moins enclin au surnaturel, on peut imaginer une transmission ininterrompue de cette science à partir des temps immémoriaux jusqu’à nos jours. Quand le modèle se trouve dans le passé, la solution se trouve dans la « tradition ». Plus, on la suit fidèlement et scrupuleusement,et plus on a la chance de s’approcher du modèle.

Cela demande d’avoir foi en l’authenticité d’un âge d’or, en l’existence d’êtres surnaturels, en la continuité de la transmission depuis des temps immémoriaux, en l’efficacité des méthodes, et en l’honnêteté/authenticité de ceux qui prétendent les connaître et pouvoir les retransmettre. Pour aider la foi à naître et à se maintenir, certaines preuves peuvent être produites. Des preuves (poétiques) sur la réalité de l’âge d’or, de l’existence des êtres surnaturels (témoignages), des évènements surnaturels, des explications pour le manque de preuves historiques sur l’authenticité des sources, sur des apparentes coupures dans la transmission, des explications pour le comportement décalé en apparence de certains dignitaires etc. L’ensemble de plus en plus complexe de ces connaissances, fait que seul des experts peuvent les connaître toutes. Et donc le pouvoir décisionnaire est délégué à ces experts. Ce n’est d’ailleurs pas que dans les religions, que cela se passe ainsi, nous déléguons notre pouvoir décisionnaire à des experts et à des technocrates dans tous les domaines. Le système des tulkous, tourné vers le passé, permet d'avoir des experts, des personnes au pouvoir décisionnaire, qui reviennent à chaque nouvelle génération tout en restant dépositaire d'une connaissance que l'on présume acquise une fois pour toutes. Une autre façon de combler la distance entre le passé et le présent.

Mais on peut aussi se tourner vers le futur et espérer y établir un jour l’âge d’or. Il s’agit alors de décider d’une idéologie. Les réponses traditionnelles, les études historiques, etc. sont des facteurs qui peuvent contribuer à ce faire. Mais que l’âge d’or soit situé dans le passé ou dans le futur, il y a toujours une distance à combler avec le présent. La tradition utilise pour cela la mythologie et les rites, qui sont un retour au passé, ou une réappropriation du passé. De quels moyens dispose-t-on pour combler la distance entre le présent et l’idéal qui se situe dans le futur ? De par notre conditionnement, on pourrait avoir tendance à se tourner vers des moyens semblables que ceux des traditions, mais alors projetés vers le futur. Il faudra sans doute encore faire confiance à des experts. Que l’on se tourne vers le passé ou vers le futur, le moyen de connaissance valide (S. pramāṇa T. tshad ma) de l'autorité de la parole (S. śabda T. sgra) révélée (S. śruti ) ou transmise par un locuteur digne de foi (S. āptopadeśa), bref un « expert », et en la confiance en celui-ci reste un facteur important.

Le Bouddha semble à plusieurs reprises aller dans le sens d’une intuition directe (forcément ici et maintenant) et qui se passe des moyen de connaissance valide (S. pramāṇa P. pamāṇa). Dans le Kālama-sutta :
"O Kālamas, ne vous laissez pas guider par des rapports, par la tradition ou par ce que vous avez entendu dire. Ne vous laissez pas guider par l'autorité de textes religieux, ni par les simples logiques ou l'inférence, ni par les apparences, ni par le plaisir de spéculer sur des opinions, ni par des vraisemblances, ni par la pensée : 'Il est notre maître bien-aimé'." 
Dans le Sutta Nipāta :
« Celui qui est arrivé à terme n’a plus de critères (P. pamāṇa)
Permettant à quelqu’un de dire que pour lui [ce terme] n’existe pas.
Quand tous les phénomènes ont été éliminés
Les moyens de parler ont été éliminés également
. » 
Pour le bodhisattva, cela ne se termine pas là. Son projet à lui de servir les êtres et d’éliminer leur souffrance se situe bien à la fois dans le présent et dans le futur.

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Lucas Cranach, l'âge d'or ca. 1530, Oslo, Nasjonalgalleriet


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