lundi 4 février 2013

Le Fils qui éclaire l’infiniment grand et l’infiniment petit



Le mot espace que l’on voit si souvent dans les traditions Dzogchen, Nyingmapa et Bön, en association avec l’Intelligence/discernement (T. rig pa) se dit dbyings en tibétain, et est la traduction du terme dhātu en sanscrit. J’avais déjà fait un billet à ce sujet il y a un an. Généralement, l’image que l’on se fait du mélange de l’Intelligence et de l’espace, quand le mot dhātu est traduit ainsi, c’est que l’Intelligence s’étale dans l’espace et devient très vaste, aussi vaste que l’espace qui est infiniment grand. Quand nous parlons en revanche de la dissolution des éléments (dhātu), les uns dans les autres, les plus grossiers dans les plus subtils, ou de la dissolution d’un maṇḍala élaboré, celui-ci rétrécit et disparaît dans la syllabe-germe puis dans le symbole de nasalisation de la syllabe (anusvāra) et celui-ci dans le point/la goutte (bindu) qui la surmonte. Ce point s’évanouit et fond dans la vacuité. L’espace/élément (dhātu) est donc à la fois un infiniment grand et un infiniment petit[1], qui forment finalement un seul espace.

Cet espace est considéré comme l’essence (T. ngo bo) de toute chose, la base de tout (T. kun gzhi) : c’est-à-dire à la fois du saṁsāra que du nirvāṇa. Il est la vérité ultime du prajñāpāramitā. Dans le prajñāpāramitā comme dans la tradition aurale de Zhang Zhung, il est considéré comme la Mère (T. ma) ou la Mère universelle (T. yum chen mo).

Cet Espace englobe trois aspects d’espace différents. L’espace externe vide, le ciel, (T. mkha’), l’espace intérieur (T. klong) où se manifestent les éléments qui est l’espace des choses, et l’espace caché ou secret (T. dbyings) qui est l’espace mental. Extérieur – intermédiaire - intérieur. Le premier espace, extérieur, le ciel (T. mkha’), est la métaphore ou l’exemple (T. dpe). Le deuxième (T. klong) correspond à la signification (T. don) et le troisième (T. rtags) est le signe.

Dans ces trois espaces ont lieu l’émergence, le développement, la fonction et la libération (quatre phases) respectivement des phénomènes naturels, des choses (dharma) et des représentations. La Mère, qui est l’espace total englobant ces trois, a quatre qualités :
1. La pureté primordiale (T. ka dag), non souillée par les obnubilations et les extrêmes/contraires
2. La perfection spontanée (T. lhun sgrub), saṁsāra et nirvāṇa, ainsi que tous les contraires y sont parfaits (T. grub)
3. La neutralité (T. lung ma bstan), sans parti-pris ni limites
4. La sphère unique de la totalité (T. thig le nyag cig), parce qu’elle englobe les trois aspects de l’espace
Qui dit Mère, dit enfant ou Fils. C’est l’Intelligence. L’espace vide Mère est obscur et indéterminé (T. med pa). C’est la lumière de l’Intelligence/discernement (T. rig pa) qui l’éclaire. L’espace est alors toujours vide, mais en même temps lumineux, car la Mère Base-de-tout/vacuité (T. stong), est inséparable du Fils luminosité (T. gsal), la présence ou l’intuition (T. ye shes) autoproduite (T. rang byung) et autodiscernante (T. rang rig).
32 L’aspiration au Véhicule
Ultime est comme la semence
D’où naît un fils du Puissant.
Sa mère est le discernement,
Généreuse en dharmas d’éveil.
Sa matrice est le samādhi,
Sa nourrice est la compassion.  (Traité de la Continuité ultime du Grand Véhicule (T. theg pa chen po rgyud blama'i bstan chos)] 

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Source principale : Tenzing Wangyal, Les prodiges de l'esprit naturel

[1] Blaise Pascal « Qu'un ciron lui offre dans la petitesse de son corps des parties incomparablement plus petites, des jambes avec des jointures, des veines dans ses jambes, du sang dans ses veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ses humeurs, des vapeurs dans ces gouttes ; que, divisant encore ces dernières choses, il épuise ses forces en ces conceptions, et que le dernier objet où il peut arriver soit maintenant celui de notre discours ; il pensera peut-être que c'est là l'extrême petitesse de la nature. Je veux lui faire voir là dedans un abîme nouveau. Je lui veux peindre non seulement l'univers visible, mais l'immensité qu'on peut concevoir de la nature, dans l'enceinte de ce raccourci d'atome. Qu'il y voie une infinité d'univers, dont chacun a son firmament, ses planètes, sa terre, en la même proportion que le monde visible; dans cette terre, des animaux, et enfin des cirons, dans lesquels il retrouvera ce que les premiers ont donné… ». Vois aussi les mondes infinis dans les pores du corps du Bouddha cosmique.

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