lundi 14 novembre 2011

Les neuf véhicules et la section de la conscience



Longchenpa

L’école des anciens, tout comme celle du Bön éternel d’ailleurs, enseigne un classement en 9 véhicules[1], 9 classes d’enseignements. A savoir, 1. Śrāvaka 2. Pratyekabuddha 3. Bodhisattva 4. Kriyā 5. Ubhaya 6. Yoga 7. Mahāyoga 8. Anuyoga 9. Atiyoga. Ce classement était contesté par les écoles des nouveaux tantras aparues dès le 10ème siècle. Il semberait qu’il n’existe pas de précédent en Inde de ce classement de neuf véhicules et qu’il s’est développé sur le sol tibétain. (Sam van Schaik). Il est enseigné cependant dans des textes redécouverts (T. gter ma). « Le tantra du miroir du cœur de Vajrasattva » (T. rdo rje sems dpa'i snying gi me long gi rgyud), un tantra appartenant aux dix-sept tantras de la section des préceptes (T. man ngag sde) de l’Ati-yoga, commence par donner un exposé très complet et structuré du classement des 9 véhicules.

Les classements en véhicules dans le bouddhisme, ont toujours pour but de réorganiser les différents points de vue et méthodes apparus au cours de l’histoire du bouddhisme, en accordant la meilleure place au dernier venu, celui même qui prend l’initiative du classement. Les classements sont toujours le fait d’une systématisation et d’une réorganisation des traditions. Dans le classement en neuf véhicules, la dernière place est occupée par l’ati-yoga, considéré comme le pinacle des enseignements bouddhistes. La Grande complétude (T. rdzogs chen) est un autre nom pour ati-yoga. Les deux désignent à la fois l’état primordial de l’esprit ansi que les méthodes pour parvenir à le rejoindre.

Il y a trois approches, toutes les trois susceptibles de conduire à la réalisation de l’état primordial de l’esprit, qui sont dites avoir eu des transmissions différentes. Il y a la section de la conscience (T. sems sde), la section des préceptes (T. man ngag sde) et la section de la Nature (T. klong sde). Le Tantra du Grand déploiement de l’Ati (T. A ti bkod pa chen po[2]) explique :
« Pour ceux qui ont de l’entendement, la rubrique de l’esprit (sems sde) ;
Pour ceux qui sont spacieux, la rubrique de la sphère (klong sde) ;
Et pour ceux qui sont dénués de progressivité [et] d’effort, les instructions cruciales (man ngag). »[3]
Selon le grand réorganisateur Longchenpa (1308-1364), la section de la conscience, où l’accent est mis sur la reconnaissance directe du rayonnement de la conscience comme étant l’état primordial, est constitué de 18 traités mineurs que sont respectivement :

1. rig pa'i khu byug, (version bilingue anglaise)
2. rtsal chen sprug pa,
3. khyung chen lding ba,
4. rdo la gser zhun,
5. mi nub rgyal mtshan nam mkha' che,
6. rtse mo byung rgyal,
7. rnam mkha'i rgyal po,
8. bde ba 'phrul bkod,
9. rdzogs pa spyi chings,
10. byang chub sems tig, (le titre rappelle 11. byang chub sems kyi thig le des « 14 traités », attribué à Buddhaśrījñāna par Geu lotsāwa, mais que l’on ne retrouve pas parmi ces oeuvres)
11. bde ba rab 'byams,
12. srog gi 'khor lo,
13. thig le drug pa,
14. rdzogs pa spyi spyod,
15. yid bzhin nor bu, (version bilingue anglaise)
16. kun tu rig pa,
17. rje btsan dam pa et
18. sgom pa don grub (version bilingue anglaise).

Treize de ces textes sont dits être plus anciens (Karen Liljenberg). Ils auraient été traduits en tibétain par Vimalamitra, Nyak Jnanakoumara (T. gnyag jna na ku ma ra) et Youdra Nyingpo (T. g.yu sgra snying po).

Geu lotsāwa (1392-1481), en faisant son recensement de l’école des anciens dans les Annales bleues, tout en suivant généralement la version officielle de l’école des anciens, donne quelques précisions intéressantes sur l’origine de la section de la conscience (T. sems sde) et prenant la défense de l’ancienneté du terme « Grande complétude ». Geu lotsāwa rappelle que Mañjuśrīmitra, à qui remonterait le cycle des 18 traités de la section de la conscience par le biais de Vimalamitra et le pandit Śrī Siṃha, est le même que celui qui fut le maître de Buddhaśrījnana, à qui sont attribues la Tradition orale (T. zhal gyi lung), ainsi que 14 traités du cycle de Guhya-samāja.
Selon l’école des anciens, le classement en trois sections de l’Ati-yoga, est attribué au même Mañjuśrīmitra, qui aurait été à son tour le disciple de dga’ rab rdo rje, dont le nom indien serait « Vajraprahe ».[4]

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Illustration : Longchenpa

[1] La première somme philosophique du bouddhisme tibétain. Origines littéraires, philosophiques et mythologiques des "Neuf étapes de la voie" (theg pa rim pa dgu) . Ferran Mestanza (UMR 8047), Paris http://www.crcao.fr/RET/ret_08/ret_08_04.pdf
[2] « tantra censé être d'origine indienne et qui, avec ses 600.000 vers, représenterait le plus long traité du Dzogchen. En effet, dans le contexte de la crise sociale du XIVème  siècle, due au déclin et à la chute de l'empire mongol, les auteurs de l'école Rnying ma firent appel à leurs origines historiques remontant à l'époque de l'empire tibétain. », Ferran Mestanza
[3] Profusion de la vaste sphère: Klong-chen rab-'byams, Tibet, 1308-1364 ,Stéphane Arguillère, p. 553-554
[4]Germano, David Francis. "Poetic thought, the intelligent Universe, and the mystery of self: The Tantric synthesis of rDzogs Chen in fourteenth century Tibet." The University of Wisconsin, Madison. Doctoral thesis 1992), nom indien cité dans le tantra-racine du titre La Réverbération du Son « sgra thal 'gyur », du cycle des dix-sept tantras de la section des Préceptes (T. man ngag sde). 

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