vendredi 8 juillet 2011

Dampa et ses méthodes cachemiriennes ?



J’ai déjà parlé des tentatives de sauver Milarepa et de Gampopa en complétant leur CV de tantrika qualifié, à une époque ultérieure où la voie des techniques était considérée supérieure suite aux polémiques.
Dampa Sangyé aussi avait fait l’objet d’un sauvetage par l’historien Geu Lotsāva. Geu écrit qu’une des instructions attribuées à Dampa, le Cycle des méthodes des gouttes immaculées du sceau universel (phyag rgya chen po dri med thigs pa phyag bzhes kyi skor), remonte à Maitripā, dont Dampa avait été le disciple. Dans ce cycle le mot « Mahāmudrā » fait allusion à la Mahāmudrā de Maitripā, le mot « immaculé » (T. dri med) aux propos de Dampa et le mot « méthode » renvoie aux méthodes de préceptes dits être quelque peu différent de celles des autres doctrines.
En ce qui concerne le mot « immaculé », Dampa avait l’habitude d’introduire (T. ngo sprod) ses disciples à l’état immaculé de l’Intelligence (T. rig pa dri med S. nirmala/nirañjana saṃvid ?)[1].

Dans la traduction de Roerich[2], Geu cite Maitripā pour avoir dit : « Ces préceptes [du système de Maitripā] ne sont pas basées sur la méditation sur les divinités et ne suivent pas le système des quatre mudrā. » Je ne sais pas dans quel texte Maitripā aurait écrit cela de façon si explicite, mais Geu se précipite de dire que Dampa avait par ailleurs donné les instructions des quatre mudrā dans le cadre de l’initiation de Kalacakra et qu’il est faux de dire que le système de Dampa ne contenait pas de préceptes tantriques.[3]

J’ai écrit sur la méthode de l’introduction de Dampa. "Ne pas fermer les yeux, [ni] arrêter les actes de conscience psychosensorielle. L'arrêt des souffles, lui, est réalisé par le vrai Guide."[4] Gos précise que cette phase correspond au moment où iḍaa et piṇgalā/souffle vital entre dans le canal médian et que le yogi est dit être capable de contempler l’absolu, c’est-à-dire la Mahāmudrā[5].

Quand son disciple principal Kun dga' (1062-1124)[6] demande à Dampa comment il doit méditer, Dampa repond :"Tu dois méditer en fixant les yeux vers le ciel, vers le haut, puisque c'est une posture favorable qui est particulière à la Prajñāpāramitā".[7] Il existe bien des postures et des positions de regard (T. lta stangs) propres aux pratiques tantriques, mais Dampa ramène cette posture particulière dans le domaine de la Prajñāpāramitā. Rappellons que la première lignée de zhi byed est apellé le système Cachemirien (T. kha che lugs).

Or parmi les méthodes et non-méthodes pour épanouir le « canal central » des stances pour la reconnaissance du Seigneur, figurent « la détente et le regard panoramique ».[8] Il y est question de « l’attitude de Bhairava » qui consiste à demeurer détendu tel qu’on est, les yeux ouverts « émerveillé » - vismayamudrā) et la bouche béant (cakitamudrā), flottant dans l’espace de la conscience.

So chung ba (1062-) était le disciple de Dam pa rMa (chos kyi shes rab né en 1055), à son tour disciple de Dampa. La première rencontre entre So chung ba et Dampa était une occasion de joie et Dampa l’introduit (ngo sprod) aussitôt au principe conscient (S. cittatva). Roerich explique qu’autrefois au Tibet, les instructions religieuses commençaient toujours par l’introduction du disciple à son principe conscient. Un jour, lorsque Dampa Ma (le maître) et Sochung (le disciple) étaient en train de moudre du maïs, Sochung avait relâché la meule et resta les yeux grand ouverts (T. had de) pendant une longue période. Ma lui dit : « Qu’est-ce qui t’était arrivé (tsa cig cig byung 'dug) ? Dampa t’aurais donné des instructions ? ».[9]

Mise à jour : Jean Naudou mentionne dans Les bouddhistes cachemiriens au Moyen-âge que Dampa aurait séjourné au Cachemire et qu'il fût le maître du Cachemirien Jñānaguhya (Blue Annals, p. 871). Source : Marcelle Lalou, Les religions du Tibet, pp. 39-42 et 44-47. Jean Naudou rappelle aussi (p. 140), que 'Gos présente Ratnavajra comme un maître de Mahāmudrā qui aurait instruit Dampa (AB p. 869).

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Illustration et explication : détail de la lignée zhi byed, blog de Dan Martin (Sotheby's)

[1] Blue Annals, pp. 934
[2] Ce n’est pas spécifié qui parle ici. Cela pourrait même être Dampa, comme Gos continue après la citation en disant, que cela semble en accord avec ce qui précédait, et ce qui précédait était la référence à Maitripa. Le passage est sur Zhi byed et après, Gos continue à parler de Dampa. Roerich a conclu que c’était Maitripa qui parlait.
[3] Blue Annals, pp.976- 977
[4] Blue annals p. 921-922 Deb ther : p. 1021 la citation vient des distiques de Saraha (n°66) :"mig ni mi 'dzums sems ni 'gags pa dang*/ rlung 'gags pa ni dpal ldan bla mas rtogs/
[5] Blue Annals p. 873
[6] Blue annals p. 921-922
[7] Blue Annals, pp. 922-923
[8] Au cœur des tantras, David Dubois, p. 190
[9] Blue Annals, p. 877 DT 1026

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