mercredi 3 novembre 2010

Dyayulpa et le service du maître



Dromteunpa ('Brom ston pa rgyal ba'i 'byung gnas 1005–1064), le disciple tibétain principal d'Atiśa est à l'origine de trois lignées, à partir de ses trois propres disciples principaux, appelés "les trois frères".[1] Un des trois frères, Chengawa (spyan nga ba tshul khrims 'bar 1038-1103), était le maître de Dyayulpa (Bya yul pa gzhon nu 'od 1075-1138), un des maîtres de Gampopa. La pratique spécifique de Dyayulpa était le service au lama et il était très apprécié (T. mnyes pa) pour ses loyaux services à différents maîtres. Quand il était au service de Teuloungpa (stod lungs pa rin chen snying po 1032-), celui-ci l'offrait à Chengawa. Et c'est en servant Chengawa que Dyayulpa eut sa première expérience spirituelle importante.

Geu lotsawa mentionne que ses deux maîtres (spyan nga ba et stod lung pa) avaient une vue différente quant à la nécessité de méditer le maître comme un buddha, sans entrer dans les détails.[2] Dyajulpa est à l'origine d'une lignée de pratique spéciale appelée "spyan snga bka' brgyud" et qui avait été intégrée dans la lignée de Gampopa (dwags po bka' brgyud). Une hagiographie de Chengawa lui donne le titre "Seigneur des siddha Tsultrim Bar" (T. grub pa'i dbang phyug chen po tshul khrims 'bar), qui peut être une indication sur la spécificité de sa transmission. Gampopa lui-même est souvent associé à la pratique de la "Réintégration du Guide" (S. guruyoga T. bla ma'i rnal 'byor) et au cours des années, le service du maître extérieur, considéré comme un buddha, est devenu un élément essentiel dans la lignée Kagyupa.

L'hagiographie de Dyayulpa se trouve dans plusieurs compilations de la lignée Kadampa, ainsi que dans le chapitre consacré à la lignée Kadampa dans les Annales bleus. On y trouve plusieurs échanges avec Gampopa. Il existe des petites différences entre les deux versions.

Pour la traduction des anecdotes ci-dessous, je me suis servi de Hagiographies des maîtres de la lignée du Chemin graduel (T. lam rim bla ma brgyud pa'i rnam thar référence TBRC : W1CZ2730) et notamment de l'hagiographie de Dyayulpa (T. bshes gnyen tshul bzhin bsten mdzad gzhon nu 'od p. 282-283). D'autres parties ont été tirées des Annales bleus de Geu lotsawa. La partie qui concerne Dyayulpa et Gampopa se trouve dans la traduction de Roerich à la page 290 et dans la version tibétaine de Chengdu à la page 353.
Une fois à Dyayul (bya yul), Gampopa (lha rje snyi sgom) demanda [à Bya yul pa AB p. 291] "Ami spirituel, comment est née [la compréhension des] deux vérités en votre esprit ?" L'ami spirituel répondit : "La bodhicitta relative et la bodhicitta ultime sont nées toutes les deux dans mon être."

Gampopa demanda aussi : "Quand on a déconstruit (T. gzhigs) son principe conscient (S. cittatva), faut-il le laisser vide (T. stong par gtong) ? Quand on déconstruit les objets extérieurs, faut-il les laisser vides (T. stong par gtong) ?"
L'ami spirituel répondit : "Quand un bout de flèche est resté à l'intérieur [de la chair], en remplissant la plaie (T. rma kha) de graisse (T. tshil bu), on n'arrivera (T. mi phyin) à rien. De même on arrivera à rien par les faits mentaux (S. dharmā). Quand un voleur est parti dans la forêt, en suivant ses traces, on n'arrivera (T. mi phyin) à rien. De même on n'arrivera à rien par les faits mentaux[3]. Le principe conscient est laissé vide. Par cela même, les liens extérieurs se déferont tout seul. Tout est vacuité."
- Comment cette compréhension est apparue dans votre esprit ?
- Elle est apparue en premier quand je servais [mon maître] Chengawa.
[Partie qui figure uniquement dans les Annales bleus :]

- Faites vous une distinction entre l'intuition de la contemplation (T. mnyam bzhag ye shes S. samāhita-jñāna) et l'intuition dans l'action (Litt. rjes thob ye shes S. pṛṣṭha-labdha) ?
- Je ne fais pas de distinction entre l'intuition pendant la contemplation et dans l'action. Si j'en faisais une, comment pourrai-je faire mes diverses activités (T. spyod lam) et que seraient devenues mes disciples (T. 'khor 'di). ]


- L'agitation de vos disciples et la construction de temples etc. ne gênent-ils pas votre pratique ?
- Non
[Geu lotsawa AB 353]

Au début, son absorption (S. samādhi) était gênée par le son de la porte qui s'ouvrait et se fermait. Il avait alors mis son lit près de la porte pour méditer.

Plus tard, quand il faisait méditer ses disciples, il les faisait méditer en jouant de la musique. D'autres qui voyaient cela pensèrent qu'il le faisait uniquement parce qu'il aimait la musique.

…/…

Quand on lui demandait s'il prenait des notes (T. zin dris mdzad) quand il recevait des enseignements, il répondit : "On n'arrivera à rien (gar yang my phyin) en prenant des notes". Il faut comprendre tous les faits [mentaux] simultanément (T. dus gcig la lam shes dgos)."[4]
***

[1] Geshe Potowa (Potowa Rinchen Sal), Geshe Chenngawa (Chengawa Tsultrim Bar) and Geshe Phuchungwa (Phuchungwa Shönu Gyaltsen).
[2] AB p. 287 DN p. 350 sangs rgyas kyi 'du shes sgom dgos mi dgos kyi khyad byung gsung*/
[3] AB rkun ma nags ri la song ba la rjes grwa sar spyod pa'i chos kyis gar yang mi phyin pas/
Quand un voleur s'est enfui dans les forêts des montagnes, on n'arrivera à rien en suivant les pas qui l'avaient conduit au monastère.
[4] AB p. 291 DN p. 354

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